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  • Ambre P.

Le syndrome de la page blanche


Elle s’assit à la table de la salle à manger, devant son ordinateur. Une page blanche et un simple bâtonnet noir qui apparaissait puis disparaissait. Une page blanche comme un silence. Une page blanche comme des centaines de mots non-dits. Face à cette page blanche, son esprit regorgeait d’idées. Cent mille mots traversaient ses pensées, mais aucun ne semblait digne d’apparaître sur feuille. Cela serait donner une vie concrète et tangible à tant de concepts qui paraissaient encore si fragiles.

Pourtant, il était nécessaire qu’elle rédige quelque chose. N’importe quoi. Ne serait-ce que quelques phrases. Elle avait ressenti un souffle d’inspiration qu’elle n’avait pas eu depuis si longtemps et ne pas l’exploiter lui semblait similaire à un crime.

Le temps s’étirait, le feu dans la cheminée crépitait et le reste n’était que silence.

Elle ressentait en toute son âme la nécessité, le besoin inexplicable et indescriptible, d’écrire. Elle voulait, par un ensemble de mots et de phrases, créer une histoire.

Elle s’imaginait parfois écrivant une histoire tellement fantastique qu’elle serait lue et traduite partout dans le monde. Et toujours, dans chaque recoin de son esprit, la crainte inexorable d’emprunter un chemin déjà parcouru. Orgueil et hantise de tout auteur.

La volonté d’être lu gâche-t-elle la capacité d’écrire ce que l’on souhaite réellement écrire ?

C’est pour cela qu’elle avait commencé à écrire par ordinateur. Taper à l’ordinateur ne lui laissait plus assez de temps pour se questionner. Une bulle de silence semblait toujours l’entourer alors qu’elle tapait, peut-être de manière un peu agressive, sur les touches de son clavier. La barrière entre son esprit et la page paraissait tellement plus franchissable lorsque les mots se déposaient sur un écran, et non sur une feuille de papier. Certes, le stylo et la feuille portaient toujours en eux un charme indéniable. Mais la rapidité de retranscription des pensées de l’ordinateur était imbattable.

Pourtant ce jour-là, malgré l’inspiration et la volonté d’écrire, elle ne parvenait pas à quoique ce soit. Alors, elle se leva, mit son manteau, son bonnet de laine et ses chaussures puis sortit de chez elle.

Elle passa la journée à errer dans les rues. Cherchant l’inspiration qui noyait déjà son esprit. Mais aucune phrase ne se formait et l’avidité d’écrire persistait. Elle marchait d’un pas rythmé, sans éviter les flaques d’eau. Elle n’avait pas pris de parapluie, et son bonnet de laine était trempé.

Comment pouvait-elle avoir tant d’inspiration et ne pourtant pas être capable d’écrire une seule ligne ? C’est avec cette simple question qu’apparut l’idée. Une idée saugrenue, et pourtant sûrement déjà utilisée des millions de fois. Mais c’était tout de même une idée formidable, et déjà les mots voulaient sortir et les phrases se formaient.

Elle s’assit sur un banc, en dessous d’un arbre, nullement à l’abri de la pluie. Elle sortit son téléphone et ouvrit « notes ». Et au milieu des trombes d’eau qui tombaient du ciel, sur un écran de téléphone mouillé et trouble, elle-même trempée, elle écrit l’histoire du syndrome de la page blanche.

Le syndrome de la page blanche. Il était peut-être bien simple et paradoxal d’écrire sur ce sujet. Simple et paradoxal peut-être, mais le sentiment de satisfaction était incomparable.

Elle racontait une histoire, son histoire et celle de tant de personnes. Elle écrivait qu’elle n’arrivait pas à écrire.

C’est ainsi que par un après-midi pluvieux, alors qu’elle avait eu peur de ne plus jamais savoir comment écrire, qu’elle s’inspira de son désarroi pour écrire une petite histoire. Cette petite histoire ne sera probablement jamais traduite. Elle ne sera probablement que très peu lue.

Mais cette histoire fut écrite. Et lorsque cela fut fini, la jeune fille rentra chez elle le cœur léger, et de nouveau elle s’assit devant son ordinateur, et les mots vinrent. Les phrases semblèrent danser devant ses yeux alors que ses doigts voltigeaient au-dessus du clavier.

Elle se dit que lorsqu’elle n’arrivait pas à écrire, la seule chose à faire était d’écrire.

Elle écrivit enfin sa dernière phrase et un point final :

Elle écrivit enfin sa dernière phrase et un point final.

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