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Evan B.

La culture française et Québécoise [Version française]


La France et le Québec partagent une langue, mais est-ce que leur culture est aussi similaire que l’on le prétend?

Il y a quelques mois déjà, c’est-à-dire en septembre, j’ai quitté le Québec pour visiter la France. Bien qu’on parle la même langue en France et au Québec, il y a plusieurs distinctions culturelles qui confèrent un caractère unique à ces deux régions francophones.

La culture Québécoise: ancrée dans l’histoire

Bon nombre des personnes en France ont au moins entendu parler du Québec, cet îlot français isolé de la France. C’est justement parce qu’il est si éloigné, cet îlot, qu’il se distingue de bien des façons de la France. D’abord, pour ceux qui s’y connaissent moins en cartographie Nord-Américaine, où est le Québec?

Carte du Québec

C’est la province du Canada située à l’Est, entre la province d’Ontario à l’Ouest et les provinces maritimes à l’Est (Terre-Neuve et Labrador, l’Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick). Au Sud, on retrouve les États-Unis avec lesquels le Québec partage une frontière au niveau des États du Maine et de New-York, et au niveau des Grands-Lacs. Cette position entourée de régions anglophones à l’Est, l’Ouest et le Sud, a eu un énorme impact sur la culture Québécoise et est un des facteurs qui a le plus contribué à l’identité et la culture unique de cette province. Pour comprendre

comment cela s’est fait, je vais aborder brièvement l’histoire de cette région. Le territoire actuel du Québec, tout comme une majorité du territoire Nord-Américain, était habité par des populations autochtones, de deux principaux groupes culturels et linguistiques: Les Iroquois et les Algonquiens. La différence entre ces deux groupes est que le premier est une tribu sédentaire matriarcale axée sur l’agriculture et la guerre, alors que le deuxième est une tribu nomade patriarcale qui vivait de chasse, pêche et cueillette, et qui suivait les routes migratoires de leur gibier. À la fin du XVe siècle et le début du XVIe siècle, des explorations françaises pour trouver un passage maritime vers l’Asie ont amené la découverte de l’embouchure du Saint-Laurent, mais l’absence de richesse de la région et son climat hostile a fait en sorte que la première colonie sur le territoire de ce qui viendra à être connu sous le nom de Nouvelle-France n’a été fondée qu’en 1608 par Samuel de Champlain. Les français qui se sont établis dans cette nouvelle colonie étaient souvent des agriculteurs pauvres, mais il y avait également quelques soldats ou membres de la noblesse qui s’y sont établis en tant que seigneurs d’une seigneurie (domaine féodal où vivent des censitaires). La principale activité économique était la traite des fourrures avec les amérindiens. C’est pour cela qu’avant 1663, date à laquelle Louis XIV prend en charge la colonie, des compagnies à monopole s'occupaient de celle-ci. Les conflits entre la France et l’Angleterre ont été lourdes de conséquences pour la colonie. Par exemple, le traité d’Utrecht de 1713, traité par lequel c’est conclu la guerre de Succession d’Espagne a cédé de larges territoires français à la Grande-Bretagne.

La Nouvelle-France (Canada) pendant l’administration royale

En 1754, la guerre de Sept Ans entre la France et l’Angleterre débute avec une dispute territoriale entre la Nouvelle-France et les Treize colonies britanniques, et en 1760, l’entièreté de la Nouvelle-France est sous contrôle britannique. Lors de la signature du Traité de Paris (1763), la France cèdera définitivement la Nouvelle-France à l’Angleterre, qui deviendra partie du Dominion of Canada.

Le Dominion of Canada avant l’Acte d’Union de 1840

La partie francophone (Bas-Canada) sera séparée de la partie Anglophone jusqu’en 1840.

Enfin, par une longue succession d’évènement, le Canada obtiendra de l’autonomie de l’Angleterre et se séparera pour créer la Confédération canadienne en 1867. Ainsi, la province de Québec telle que l’on connaît aujourd’hui est née. Ses habitants, d’abord Français, sont successivement devenus canadiens-français, sujets britanniques, puis Québécois.

Le premier ministre canadien, John A. Macdonald

Ainsi, la culture Québécoise, bien que d’origine française, a évolué de façon complètement différente, ce qui explique les nombreuses différences culturelles et linguistiques.

Une langue qui n’est peut-être pas la même

Le vocabulaire du Québec diffère du vocabulaire Français au niveau de certains régionalismes et archaïsmes, ainsi que par l'absence d'anglicismes expliquée par la crainte de la perte du caractère culturel français et de l'assimilation anglaise. Au Québec, on peut retrouver des nombreux archaïsmes (des mots plus vieux qui ne sont plus utilisés en France) comme débarrer (déverrouiller), achaler (importuner, déranger ou irriter quelqu’un), niaiser (perdre son temps à des futilités, manque de sérieux, déconner), couverte (couverture), char (voiture). De plus, il existe de nombreux régionalismes, souvent également des archaïsmes, comme boucane (fumée), lutter (percuter, avec une automobile), maganer (endommager, abîmer), blé d’Inde (maïs), bleuet (myrtille), se planter ou bêcher (trébucher). Il y a également des québécismes comme bûcher (abattre un arbre ou fendre une bûche), il mouille (il pleut), il fait frette (il fait froid). C’est loin d’être la liste complète d’expressions et de mots typiquement Québécois, et certains termes sont plus répandus que d’autres, mais ça vous donne une idée. En France j’ai appris plusieurs nouveaux mots ou expressions comme: déconner, bonnet (au lieu de chapeau ou tuque), bouquins (livres), bagnole (voiture), taf (boulot), fric (de l’argent, c’est-à-dire des euros). Quant au Anglicismes, ils sont nettement plus présents en France. Par exemple, au Québec on ne dit pas week-end, airbag ou parking mais bien fin de semaine, coussin gonflable et stationnement.

Les jurons et insultes français ne sont pas du tout comme ceux du Québec, qui sont des sacres et des termes détournés de la religion Catholique. Ostie (Hostie), Tabarnack (Tabernacle), Caliss (Calice), Criss (Christ). Ces jurons ont été développés lors du fort mouvement anti-religieux du 20e siècle qui a eu lieu au Québec à cause de la trop puissante influence de l’Église qui s’étendait à tous les domaines de la société. Bien évidemment, étant donné la proximité avec les États-Unis, certains jurons américains sont utilisés également au Québec.

Le climat qu’en est-il?

Une forêt québécoise typique pendant l’hiver

L’emplacement géographique détermine le climat. Le Québec, avec un territoire 4 fois plus grand que la France et une population moins nombreuse a une population de faible densité établie majoritairement dans sa partie Sud et il existe des zones sauvages et forestières beaucoup plus vastes par rapport à la France qui a converti une grande partie de ces terres en zones urbaines, agricoles et de banlieue. Le climat Québécois est plus froid et rigoureux que celui de la France, bien que sa capitale, la ville de Québec, soit à 46.8299 degrés de latitude, soit située légèrement au sud de Paris à 48.8534 degrés de latitude. Cela est principalement dû à la circulation de l’air sur le globe. Le Québec reçoit de l’air généralement froid en provenance du pôle Nord et très peu d’air chaud provenant des tropiques par rapport à la plupart des régions d’Europe réchauffées par le courant du Golfe du Mexique. Il y a d'autres facteurs, mais ils sont complexes, et par conséquent, je m'abstiendrai de les aborder dans cet article. De plus, la province de Québec est principalement composée de froides forêts boréales tandis que la France est composée principalement de forêts saisonnières tempérées plus chaudes. Par conséquent, les hivers québécois sont froids et enneigés, avec des températures atteignant parfois -30 degrés Celsius et exceptionnellement -40 ° Celsius, tandis que la France connaît des hivers plus chauds, gris et humides, que je trouve plus déprimants, bien qu’il fait parfois beaucoup plus chaud. Même le sud du Québec est presque toujours sous la température moyenne en Île-de-France, je l'ai vérifié pendant un moment (j'envie vraiment mes amis du Québec qui peuvent faire du ski et jouer dans la neige alors que tout ce que j'ai ici est une quantité massive d'eau de pluie) et souvent la température était inférieure de 10 degrés à celle d’ici. Le climat plus rigoureux et froid qui régnait au Québec a eu pour conséquence le développement d’une nouvelle culture très distincte de la France, commençant par de nouvelles techniques agricoles et de nouveaux modes de vie, puis évoluant vers une façon de parler, une gastronomie, des croyances et traditions différentes.

L’influence Américaine

De mon expérience, la culture française semble être moins américaine que la culture franco-canadienne, car bien que l'influence de la culture américaine se retrouve partout dans le monde, la culture américaine est plus forte sur le continent nord-américain. Par culture américaine, j'entends la culture des États-Unis. Cette culture a continuellement évoluée de manière complexe, mais son impact au Canada et, par extension, dans la province francophone du Québec est évident. L'impact est lié au concept de capitalisme, qui implique une économie de marché (une économie fondée sur des institutions et transactions financières), la production et consommation de masse (quantité plutôt que qualité), l’inégalité dans la répartition de la richesse et une économie fondée sur les secteurs tertiaire et secondaire. Cela implique également des idées abstraites et nébuleuses telles que l'individualisme et l'économie libérale.

Voici ce que tout cela signifie dans le contexte Nord-Américain: une économie dominée par de larges entreprises (comme Wal-Mart ou McDonalds), une population qui achète souvent plus que nécessaire (et souvent des choses dont la nécessité est douteuse), des logements plus grands et un mode de vie principalement urbain ou de banlieue. Beaucoup de gens vivent en banlieue pour travailler dans les villes et utilisent plus d’énergie et ressources pour se rendre en ville, pour entretenir leur pelouse, grand logement et terrain ou leur piscine, ... En France, le mode de vie rural semble plus présent et, bien que la consommation de masse existe, il ne s'est pas développé de la même manière et il paraît que bien des familles françaises n'achètent pas plus qu'il ne leur faut en terme de vêtements, produits alimentaires ou d'autres produits manufacturés. De plus, il y a plus d’opportunités d’acheter des produits locaux, notamment grâce aux marchés qui ont lieu en fin de semaine dans certaines villes ou villages français. Le gaspillage alimentaire et énergétique semble moins important en France (les mesures de prévention du gaspillage alimentaire sont plus courantes et la plupart des parties d'un animal sont utilisées pour la consommation). De plus, le système américain prône une production de masse de biens par industrie. La quantité est donc plus importante que la qualité, ce qui est également vrai en France, mais on y retrouve encore des boulangeries artisanales, des magasins de vêtements et des marchés de produits frais, ce qui est très rare au Canada, car presque tout le monde achète de la nourriture dans les supermarchés. Au total, la culture et le mode de vie français sont plus durables que le style de vie américain, car ils ont un impact moindre sur notre planète et nécessitent moins de ressources.

Le temps, l’Âge et l’expérience

L'une des principales différences entre la France et le Canada est leur histoire. Comme je l'ai souligné plus tôt, le Canada a une histoire complexe et demeure un pays relativement jeune comparé à la France et, à l'instar des États-Unis, il n'a pas la richesse historique de nombreux pays européens dont l’histoire remonte au Moyen Âge. Certes, vous pouvez trouver des bâtiments du XVIIIe siècle dans les vieilles villes coloniales telles que Québec, Trois-Rivières et Montréal, mais ils sont peu nombreux et seul la ville de Québec possède un centre-ville historique bien préservé. Cette réalité contraste vraiment avec la France, dont la capitale, Paris, a conservé la plupart de ses bâtiments et de son architecture du 18ème siècle, et de nombreuses autres villes françaises ont également un caractère historique important comme Lyon, Reims et Saint-Malo. De plus, lorsque vous vous déplacez dans les régions et les villages peu peuplés du nord du Québec, vous ne trouverez que de vastes étendues de nature sauvage et des villages dépourvus de tout monument historique. Vous trouverez principalement des maisons rectangulaires d'aspect terne aux toits triangulaires, construites en série avec des matériaux industriels simples et peu dispendieux, constitués de bois, de plastique ou de pierre. La richesse historique et culturelle de la France était l'une des raisons pour lesquelles j'ai décidé de venir étudier ici.

Le vieux Québec

Un village Québécois typique, ici la municipalité Saint-Faustin-Lac-Carré dans les Laurentides

La culture à l’oeil

Explorons maintenant diverses différences de culture plus simples. Premièrement, la cuisine française est très différente de la cuisine plus nord-américaine. J'ai découvert que la viande est préférée moins cuite, surtout le steak, mais comme beaucoup de Canadiens, je ne mange pas de viande crue ou qui n’est pas cuite à point. J’étais donc surpris d’avoir un hamburger à moitié cuit en arrivant à Verneuil-sur-Seine. De plus, en regardant le menu de certains restaurants français, la présence plus importante de viande et surtout d'organes animaux dans le menu m’a également surpris, puisque c’est assez différent de la cuisine Nord-Américaine. Nous mangeons surtout les muscles et jetons les organes des animaux. Il est admirable, cependant, que les Français ne gaspillent pas ces parties de l'animal. Bien entendu, vous trouverez au Québec certains restaurants de cuisine française, mais la majorité des restaurants québécois n’offrent pas ce genre de menu. Deuxièmement, je ne savais pas avant de venir ici que les claviers français étaient différents des claviers américains. En entrant au CDI LA première fois (honnêtement, je ne sais pas pourquoi vous ne l’appelez pas tout simplement « bibliothèque ») pour travailler sur les ordinateurs, c’était frustrant de travailler avec un clavier configuré qui utilise principalement le pavé numérique pour les chiffres et a une configuration complètement différente. Je peux bien changer pour une configuration de clavier anglais, mais ça demeure une source de frustration pour écrire en français. Troisièmement, j’ai eu la surprise de trouver beaucoup moins de VUS (véhicule utilitaire sport) en France, ce qui est une bonne chose pour l’environnement, mais ça m’a fait remarquer quelle drôle de norme nous avons pour les automobiles en Amérique du Nord. Après tout, au Canada comme les États-Unis, de nombreuses familles choisissent leur véhicule pour leur grosseur et leur puissance (et donc faible économie d’essence). En France, et surtout à Paris, il serait stupide d’utiliser un VUS notamment avec le manque d’espace de stationnement, les embouteillages, le prix de l’essence et la facilité d’accès au transport en commun.

En bref, je crois que l’on peut dire que la culture québécoise est bien distincte de la culture française, en terme de ses traditions, son patrimoine, son vocabulaire et ses expressions, sa gastronomie, et ses claviers bien sûr.

Images :

Figure 1: WIKIMEDIA COMMONS. « Flag of French language (QC-FR) », [En ligne], 2009, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Flag_of_French_language_(QC-FR).svg

Figure 2: WIKIMEDIA COMMONS. « Quebec province transportation and cities map », [En ligne], 2009, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Quebec_province_transportation_and_cities_map-fr.svg

Figure 3: WIKIMEDIA COMMONS. « Nouvelle-France map », [En ligne], 2007, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Nouvelle-France_map-fr.svg

Figure 4: FLICKR. « Map of the provinces of upper & lower Canada with the adjacent parts of the United States of America », [En ligne], 1815, https://www.flickr.com/photos/normanbleventhalmapcenter/4232067220

Figure 5: WIKIPEDIA. « Canadian Confederation », [En ligne], [s.d.], https://en.wikipedia.org/wiki/Canadian_Confederation

Figure 6: 123RF « winter forest walking path used for snowshoes near Baie Saint-Paul, Quebec, Canada », [En ligne], [s.d.], https://www.123rf.com/photo_4180990_winter-forest-walking-path-used-for-snowshoes-near-baie-saint-paul-quebec-canada.html

Figure 7: WIKIMEDIA COMMONS « Fundamentals of business - economic systems », [En ligne], 2016,https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Fundamentals_of_Business_-_Fig._2.2_-_Economic_Systems.jpg

Figure 8: WIKIMEDIA COMMONS « Panorama of Quebec City », [En ligne], 2013, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Panorama_of_Quebec_City.jpg

Figure 9: WIKIMEDIA COMMONS. « Québec - Saint-Faustin-Lac-Carré », [En ligne], 2015,https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Qu%C3%A9bec_-_Saint-Faustin-Lac-Carr%C3%A9_-_panoramio.jpg

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