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Timothé C.

Le genre et les identités transgenres : éclaircissements

Juin vient de commencer, c’est pour beaucoup synonyme de fin des cours. Mais c’est aussi le mois des Fiertés, qui célèbre et donne de la visibilité à la communauté LGBT+. Malheureusement, cette communauté est souvent mal représentée. Lorsque l’on parle de LGBT+, la majorité des gens pensent aux minorités sexuelles, toutes les personnes qui ne sont pas hétérosexuelles. On pense aux lesbiennes, aux gays, parfois aux bisexuels et bien plus rarement aux pan et asexuels. ( Il y a un autre très bon article de la Gazette si vous voulez en savoir plus sur l’asexualité et les orientations sexuelles : Asexuel, aromantisme et LGBT+ ). Mais se limiter à cette vision, c’est oublier une grande partie de cette communauté : les transgenres. Ils sont très invisibilisés et, s’il y a des progrès en matière de reconnaissance des minorités sexuelles, il y en a bien moins pour ce qui est des minorités de genre.


Quelques définitions et éclaircissements


Pour commencer, nous allons définir les termes qui se cachent derrière l’acronyme LGBTQIA2+. Tout d’abord, contrairement à une idée très répandue, les transgenres ne sont pas des “hommes qui deviennent des femmes” ou vice-versa. Cette vision, en plus de pouvoir être blessante, est fausse et ne rend pas compte de la diversité des communautés trans. En réalité, une personne transgenre est une personne dont le genre assigné à la naissance n’est pas son vrai genre. Quelques explications pour éclaircir cette notion :


Le genre assigné à la naissance, c’est quand on dit à la naissance d’un nouveau-né “C’est une fille” ou “C’est un garçon”, on assigne un genre par la simple examination de ses parties génitales. En revanche, l’identité de genre de l’individu est le sentiment qu’une personne a de son propre genre. Si cette identité correspond au genre qu’on nous a assigné à la naissance, on est cisgenre, et dans le cas contraire on est trangenre. L’identité de genre ne se cloître pas à la vision binaire homme/femme, on peut s’identifier hors de ces deux catégories, et avoir donc un genre non binaire. Parmi ceux-ci, il y a une très grande diversité, pour n’en citer que quelques uns, il y a les genderqueers, souvent utilisés comme synonyme de non-binaire, les agenres, qui n’ont pas de genre, les genderfluids, qui n’ont pas une identité de genre constante, et encore bien d’autres, comme les Two-Spirits, les demigirls et demiboys, …


Ensuite, il y a les pronoms utilisés. En français, il/lui et elle/elle prédominent, mais il en existe d’autres, comme iel/iel, apparu en 2010 et ayant généré un grand débat médiatique suite à son entrée dans l’édition 2022 du dictionnaire Petit Robert, et qui est ainsi devenu plus connu. Il existe encore d’autres pronoms, tels que elli/ellui ou aelle/aelli, mais qui sont beaucoup plus rares. Du fait d’un manque de pronom neutre assez connu en France, beaucoup de non-binaires français décident de garder un pronom genré ou d’utiliser tous les pronoms.


Bien que nous utiliserons ces définitions au long de l’article, il faut garder en tête qu’elles ne sont pas universelles, on peut avoir des définitions différentes. Par exemple certains non-binaires ne se considèrent pas comme transgenres, alors qu’avec les définitions ci-dessus le terme transgenre les englobe.


FAQ


Quelques questions et remarques qu’on entend souvent.


On ne devrait pas plutôt considérer que le sexe est plus important que le genre ? Ce serait plus simple.


D’abord, ce n’est pas parce que ça simplifie les choses que c’est une bonne raison de le faire. Ensuite, ce qui reste mal compris c’est que considérer le genre ne signifie pas nier l’existence du sexe des individus. La différence entre les deux, c’est que le sexe relève du domaine biologique, alors que le genre relève de notre vision de nous-même. C’est pour ça que demander à quelqu’un quel est son sexe n’est pertinent que si l’on est biologiste ou le médecin de la personne. Hors de ces domaines, c’est le genre qui importe, car on ne discute qu’en tant que personne social et pas comme individu d’une espèce.

Aussi, un autre point que cette conception semble oublier, c’est l’existence de personnes intersexes, c’est-à-dire nées avec des caractères sexuels qui ne permettent pas de les classer dans les catégories biologiques de femmes ou hommes. Et c’est loin d’être une très petite minorité d’individus : on estime que jusqu’à 2% des humains sont intersexes. Le sexe, comme le genre n’est pas binaire ; il ne se limite pas à deux catégories uniquement.


Il n’y avait pas toutes ces questions de genre avant, ce ne serait pas juste une tendance moderne ?


C’est la même question que pour les orientations non-hétérosexuelles, elles ne seraient apparues que très récemment, c’est donc forcément une “déviance moderne”. En réalité, on pense que les transgenres n’existaient pas avant car on n’imaginait pas que le genre pouvait changer, étant donné que l’on ne différenciait pas le genre du sexe. Mais ce n’était pas le cas pour toutes les sociétés : par exemple des groupes de Natifs Américains considéraient les Two-Spirits, terme qui désignait des personnes qui changent de genre ou qui agissent différemment du genre auquel ils s 'identifient, ou les Māhū en Hawaï, un troisième genre qui occupe “une place au milieu” entre hommes et femmes. Aujourd’hui, il existe toujours des Natifs qui s’identifient comme Two-Spirit et des Hawaïens comme Māhū, même si une grande partie de leur culture a disparu avec la colonisation, et ils font partie des LGBT+. Les trans ne sont pas apparus au XXème siècle, ils sont seulement reconnus depuis cette période.



Comment est-ce que je peux savoir qu’une personne est trans ?


On ne peut pas savoir le genre d’une personne par son apparence. Ce à quoi on ressemble n’a rien à voir avec notre identité, un homme peut s’habiller avec des vêtements féminins, une femme peut avoir de la barbe, un non-binaire peut ne pas s’habiller de manière androgyne. La seule façon de connaître le genre d’une personne est de lui demander. Mais ils n’ont peut-être pas envie de vous répondre : c’est leur vie et c’est à eux de décider s’ils veulent la partager avec vous. S’ils ne mentionnent pas leur genre eux-mêmes, leur identité de genre est souvent hors-sujet, ce sont les pronoms qui sont le plus importants à demander car c’est avec eux qu’on se réfère aux autres.



Faire des toilettes trans-inclusives, c’est pas aller un peu trop loin ?


C’est un grand débat et un argument phare des transphobes : les trans ne devraient pas aller dans les toilettes qu’ils veulent, car ça gênerait, ça dérangerait les cisgenres qui pourraient se sentir menacés. Mais les plus gênés par l’absence de toilettes faites pour eux, ce sont bien les minorités de genre. Elles ont peur du harcèlement qu’elles peuvent subir alors qu’elles sont bien obligées d’y aller. D’après l’enquête de 2015 sur les transgenres aux Etats-Unis, plus de la moitié des transgenres se sont retenus d’aller aux toilettes par peur des insultes ou attaques qu’ils pourraient subir. Et 8% ont développé une infection urinaire ou un problème aux reins suite à cette décision.

Il existe d’ailleurs des applications, comme Refugee Restroom, qui recense les toilettes sûres pour les minorités de genre ( malheureusement peu de données en France ). Sa créatrice, Teagan Widmer, montre cette discrimination à travers ce qu’elle a vécu au début de sa transition : “Si j'entre dans les toilettes des femmes, je risque de me faire crier dessus. Si j'entre dans les toilettes des hommes, je pourrais être agressée.”.



D’accord, mais il ne faudrait pas en parler aux enfants, ils sont trop jeunes pour comprendre ce genre de choses.


Au contraire, il est important d’en parler aux enfants car les personnes trans voient souvent leur enfance comme une période où ils étaient oppressés et non autorisés à être eux-mêmes. 60% des trans interrogés dans l’enquête de 2015 aux US ont commencé à se sentir différent de leur genre assigné à la naissance avant 10 ans.

Il est aussi important d’éduquer les enfants cisgenres de l’existence des transgenres, et de comment les respecter. Les enfants ne sont pas trop jeunes pour le comprendre, il suffit juste de leur expliquer.


Ils ne sont pas réellement oppressés, ils exagèrent pour attirer l’attention sur eux.


D’après l’enquête sur les transgenres de 2015 en Amérique :

  • 8% des personnes trans se sont fait chassés de leur famille après leur coming-out, et 10% l’ont fuit d’eux-mêmes à cause de l’oppression subie.

  • Un quart des répondants ont fait face à de la discrimination à cause de leur identité auprès de spécialistes de santé, et 23% ont refusé de voir un docteur par peur de cette discrimination.

  • 39% ont été jugés en état de détresse psychologique, quand la moyenne dans la population est de 5%.

  • 77% de ceux qui ont fait leur coming-out durant leur éducation ont fait face à du harcèlement à cause de leur identité à l’école.


Ces chiffres sont évidemment non transposables de manière absolue en France ( par exemple car le système de santé est différent ), mais donnent une assez bonne idée des oppressions subies. On peut aussi ajouter l’invisibilisation comme une discrimination subie, et elle est présente dans tous les niveaux de la société. Dans le domaine de la recherche, on ne donne que “homme” ou “femme” comme option dans la plupart des enquêtes démographiques ( ce qui, en plus d’une invisibilisation, est un manque de rigueur scientifique ), l’absence de toilettes unisexes dans les endroits publics, …



Comment être un bon allié ?


S’informer est le point le plus important. Dans les sources, il y a plusieurs liens vers des sites informatifs ou qui donnent des conseils. Le plus important à garder en tête lorsqu’on parle à une personne trans, c’est “ Est-ce que je dirais ça à une personne cisgenre ? ”, donc ne pas poser de questions sur leurs vies sexuelles, sur leurs organes génitaux, … et éviter de poser des questions sur leurs transitions, qui peut leur avoir été traumatisantes, s’ils ne l’ont pas mentionné par eux-mêmes avant.

Évidemment, respecter les noms et pronoms de tout le monde, et si vous faites une erreur, juste s’excuser, se corriger et passer à autre chose ( en faire tout un tas après s’être trompé est souvent malaisant et propice à des remarques blessantes comme “ Ah désolé, c’est juste que je te vois toujours comme un homme … ” ). Aussi éviter d’utiliser des termes comme “ mesdames et messieurs ” en s'adressant à une foule, mais plutôt “ tout le monde ” ou des termes plus neutres.



N’hésitez pas à jeter un coup d'œil aux sources, certaines sont très rapides et faciles à lire, et à vous informer après cet article, qui était là pour répondre aux questions les plus basiques pour des personnes qui ne s’étaient pas beaucoup intéressées au sujet. Je vous souhaite à tous un bon mois des Fiertés !





Sources ( majoritairement en anglais ) :


Comment aider la communauté LGBT+ :


Transphobic Conspiracy Theories Vidéo ( en anglais ) qui débunke certains mythes transphobes.


Identity: A Trans Coming Out Story | Philosophy Tube ★ Vidéo ( en anglais aussi, désolé ) qui explique la transidentité et plus globalement l’identité d’un point de vue plus philosophique



Doubly Victimized: Reporting on Transgender Victims of Crime | GLAAD Comment parler des personnes transgenres dans un journal



A rapid review of gender, sex, and sexual orientation documentation in electronic health records Propos de termes précis pour décrire les minorités sexuelles et les différents genres.

Proposed sexual and gender minority Tableau de l’étude ci-dessus recensant les termes concernant les SGM









Sources informatives plus sérieuses si vous avez le courage


THE REPORT OF THE 2015 U.S. Transgender Survey Ma source principale pour les chiffres dans cet article, c’est à ma connaissance la plus grande enquête sur les personnes transgenres à ce jour.



Genderqueer and Non-Binary Identities & Terminology Encore plus de termes pour désigner les LGBT+


Gender (mis)measurement: Guidelines for respecting gender diversity in psychological research - Cameron - 2019 - Social and Personality Psychology Compass - Wiley Online Library Très bon article facile à lire sur les lacunes de la recherche scientifiques dans le domaine des minorités de genre






Experiences of surgery readiness assessments in British Columbia Etude sur le vécu des évaluations pré-chirurgie de transition médicale








How sexually dimorphic are we? Review and synthesis 2% d’intersexes chez les humains







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