Cyril Rolando
(Toute mes études)
J'ai découvert par hasard une des œuvres de Cyril Rolando pour un projet d'art plastique. En cherchant "tableaux surréalistes" dans ma barre de recherche. Le mouvement surréaliste est né au 20e siècle, il utilise les procédés de créations psychiques (automatisme, inconscient, rêve) libérés de la raison et des principes en lutte. Les œuvres sont donc libres de toutes interprétations et nous interpellent. Notre artiste, peintre numérique amateur, connait bien ce domaine, il exerce le métier de psychologue.
L'image de présentation fait un clin d’œil à ses études d'où son titre "Toutes mes études" et je pense aussi à tout le milieu étudiant. On peut voir un enfant sans doute endormit, après avoir sûrement beaucoup étudié comme le laisse penser son bras qui pend. L'autre main par sa position semble s'accrocher dans le sommeil aux livres symboles du savoir, comme à un oreiller. L'atmosphère est sereine, vide de toute intrusion sonore, sous l'eau dans un silence apaisant propre à la plongée. On voit au loin d'autres immenses tours de livres à travers le flou de l'eau, y a-t-il d'autre enfants sur ces constructions immobiles ? Si on suit la logique de ces piles de connaissance, les abysses seraient l'absence totale de savoir et seraient synonyme d'obscurité et de désarroi. Alors les études symboliseraient l'ascension vers le ciel, une certaine perfection qui s’accompagnerait de tâches de bleu de plus en plus lumineuses et vives. De ses cheveux et de sa tête naissent des méduses fluorescentes qui contrastent avec le fond plus sombre et profond, elles illustreraient ses rêves.
(Katarsis)
Sans en connaître le titre, j'ai tout de suite pensée à la chanson "tous les cris les SOS" de Daniel Balavoine. Le thème du message à la mer est repris. Les cheveux de la femme allongés se confondent avec les vagues, la personne semble être le commencement même de cet immense océan. Les messages sont là sous forme d'origami de bateau, ils sont bien mieux équipés que les parchemins qui coulent à pic. Ils représentent les idées abandonnées, qui n'ont pas eu le temps de se concrétiser. Les dernières lueurs du crépuscule contrastent avec l'ambiance calme des couleurs et annoncent avec légèreté des futures épreuves pour nos petits bateaux de papier, la nuit sera longue. Extrait du refrain de Tous les cris les SOS : "Tous les cris, les SOS Partent dans les airs, dans l'eau laissent une trace Dont les écumes font la beauté (....) Les messages luttent mais les vagues les ramènent En pierre d'étoile sur les rochers" Katarsis illustrerait le départ de ses messages vers de nouveaux horizons, le calme avant la tempête. Si ce n'est pas trop pessimiste, bien sûr.
(Congelée)
Pendant un voyage, il ne vous est jamais arrivé de regarder les autres et de voir un de vos proches observant le paysage, le regard vide ? On aurait l'impression que son cœur s'est glacé d'une façon mystérieuse, perdu dans ses réflexions durant ce moment d'absence, de liberté, accompagné de ses écouteurs dans les oreilles. On ferait facilement le lien entre le givre naturel de la vitre et le cœur de glace doucement appelé par l'image du givre. Avoir un cœur de glace signifie que l'individu a du mal à s’exprimer, alors la fille regarderait à côté pour ne pas avoir à parler et communiquer par timidité. Ou alors avoir un cœur de glace fait référence à avoir un cœur de pierre, sans émotion mais celui-ci ne serait pas éternel, il peut fondre et changer pour le mieux. Ses cheveux raides commencent à geler, le froid serait contagieux.
(You belong to me, tu m'appartiens)
En voyant ce paysage exotique et cette nébuleuse tout droit sortie d'une autre dimension, accompagnée de ces roses sous verre, on image tout de suite que ce paysage vient d'une autre planète, et plus spécifiquement celle du Petit prince de Saint Exupéry. Celui-ci avait recouvert sa rose, symbolisant son amour d'une cloche pour la protéger. Ici on peut voir que certaines roses ne sont pas en bonne posture et ont déjà perdu quelques pétales. Un mystérieux personnage, avec un bouclier pose les protections, peut-être cherche-t-il en chevalier, à toutes les sauver, cela fait écho avec le titre "tu m’appartiens" qui met en avant un désir amoureux. On peut également penser à la rose de La Belle et la Bête qui représente la malédiction dont est victime la Bête et son sablier en même temps.
(Rage)
On voit ici, tout le déploiement de la rage, symbolisée par la batterie et le volcan en éruption. Avec le bleu des ombres et l'orange rouge feu qui contraste fortement l'image on obtient la couleur violette par mélange de couleurs complémentaires. La lave qui se solidifie devient bleue et se rapproche de la couleur de l'homme. Le feu qui monte vers le haut s’associe parfaitement avec le mouvement du bras du musicien, illustrant ainsi la puissance, la force brute prise à l'émotion de la rage. Le son de la batterie est percutant et il est impossible à ignorer, tout comme le grondement du volcan, ses fumées ardentes, et la lave détruisant tout sur leurs passages comme une vengeance métaphorique.
( After the rain, après la pluie)
Toujours sans connaître le titre, j'imagine que le tableau représente le "chemin des larmes" de façon littéral. L'expression le sentier des larmes c’est le nom donné au déplacement forcé des populations amérindiennes aux Etats-Unis. Le titre me fait penser au proverbe, après la pluie, le beau temps qui serait ici symbolisé par les rayons du Soleil transperçant les nuages qui viennent se refléter dans l’œil. Celui-ci reste encore larmoyant à cause de la pluie passée, qui représente la tristesse. Cela voudrait dire que le malheur humain n'est pas éternel, et change avec le temps qui passe/ temps météorologique. La paupière semble se réouvrir lentement en contemplant le Soleil, l'espoir renaissant.
(Cœur de pirate)
Le titre fait référence à l'album du même nom "cœur de pirate" de Béatrice Martin, chanteuse et auteur-compositrice française. Le thème principal étant la difficulté à rencontrer l'amour et avoir une relation stable d'où la femme nue en fond. Mais on peut aussi voir un navire partant à la conquête du nouveau monde et on fait facilement le rapprochement entre la conquête des océans comparée à celle amoureuse. Les couleurs chaudes rappellent à la fois l'amour charnel et un nouvel horizon, tandis que la couleur de la peau pâle presque bleue du corps ressemble à celle d'une carte aux trésors. Cela me fait penser au poème le bateau ivre d'Arthur Rimbaud. "Mais, vrai, j’ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes. Toute lune est atroce et tout soleil amer : L’âcre amour m’a gonflé de torpeurs enivrantes. Ô que ma quille éclate ! Ô que j’aille à la mer ! (...) Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames, Enlever leur sillage aux porteurs de cotons, Ni traverser l’orgueil des drapeaux et des flammes, Ni nager sous les yeux horribles des pontons."
(Show me love, montre-moi l'amour)
Dans cette peinture, une jeune fille est prisonnière de sa pupille, c'est une métaphore du silence. Elle n'arrive pas à communiquer par la parole et semble parler avec les yeux. Celle-ci est en mauvaise posture et se bouche les oreilles, signe qu'elle ne supporte plus ses émotions. Avec le titre on pourrait imaginer qu'elle a demandée à l'autre personnage "montre-moi l'amour" qu'elle essaie de trouver en vain. Le gros doigt appartient à celui de l'autre personnage et essuie ses larmes. Alors que le plus petit s'applique à effacer son iris qui fond à l'aide de ses feuilles. Peut-être est-ce Cyril qui tente d'aider une de ses patientes avec sa thérapie et la parole. Ou alors ce seraient des poèmes, des journaux, chaque personne peut laisser parler son imagination.
(Pisces dancing zodiac, poissons zodiac dansant)
Une silhouette d'enfant dansant follement et admirablement bien où la couleur de la peau est mise en avant... difficile de ne pas penser immédiatement au clip de 'Chandelier" avec sa danseuse Maddie Ziegler, mondialement célèbre. Elle danserait comme le chef d'orchestre des poissons ou bien comme leur miroir anthropomorphiste (apparence humaine). Peut-être que l'image s'inscrit dans une série sur les zodiaques, le signe astrologique des poissons. Mythologiquement les poissons seraient des formes d’Aphrodite et d’Éros poursuivis par un monstre marin Typhon, titan des vents violents et tempêtes. Les poissons se groupent en banc, ce qui est un comportement d’agrégation (regroupement temporaire), qui est sans hiérarchie et n'est possible que par la présence de la ligne latérale des poissons, ce qui leur permet de nager plus vite.
(Silence prayers, prières de silence)
C'est l'un des tableaux les plus sombres que j'ai pu trouver. L'ange au centre est emprisonné, incapable de voler avec ses ailes abîmées, défripées. Il semble nous regarder tristement et incite à la pitié. Le nombre de chaînes inutiles à l'emprisonnement d'un seul être, les boulets et l'atmosphère humide de la cellule teintée de bleu nous réconforte dans l'idée qu'on lui veut du mal et le priver de liberté. Les bouts de papier accrochés aux chaînes rappels la prière japonaise, qui fait référence à la pratique de l'omikuji (qui est un tirage au sort) dans les temples japonais. Ce qui fait écho au titre prières de silence. Cela illustre bien les paroles "les oiseaux qu'on met en cage" de la comédie musicale de Notre Dame de Paris. "Les oiseaux qu'on met en cage, Peuvent-ils encore voler ? Les enfants que l'on outrage, Peuvent-ils encore aimer ?"
(Pianoquarium)
Le pianoquarium est un hommage évident au curieux instrument : le pianocktail de l'écume des jours de Boris Vian, celui-ci permet de composer un cocktail dont le goût rappellera les émotions ressenties lors de l'écoute de la musique. Pour l'anecdote, le pianocktail existe réellement on peut rencontrer les créateurs de l'instrument sur ce site www.bootleggers.fr. Je me demande quelle saveur aurait "Mégalovania" au piano, sans doute pétillante. L'enfant semble jouer un morceau mouvementé, sûrement du Jazz ou de la musique de cabaret, libre choix à votre imagination. Les poissons rouges de variétés fantail sont comme enthousiasmés par la mélodie et sautent de joie, c'est évidemment surréaliste.
Le peintre déclare même « Tim Burton et Hayao Miyazaki sont les racines de mon propre monde. J’aime le mouvement surréaliste, spécialement le travail de Boris Vian et « L’Écume des Jours » ». Je les apprécie grandement moi-même, et je viens justement de lire l'Arrache-cœur de Boris Vian, il a toujours le même style d'écriture unique. C'est maintenant la fin de notre petite odyssée numérique surréaliste, il reste néanmoins beaucoup d’œuvres à découvrir, au minimum une centaine ! Je vous encourage grandement à le suivre sur les réseaux sociaux, notamment sur Instagram.