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Emmy T-G.

Chapitre 4): Jude

You know, I love it, when the music's loud

But c'mon, strip that down for me, baby

Now there's a lot of people in the crowd

But only you can dance with me

So put your hands on my body

And swing that down for me, baby (swing)

You know, I love it when the music's loud

But c'mon, strip that down for me

Yeah, yeah, yeah, yeah


Strip that down; Liam Payne, Quavo



*


Un gobelet en plastique vola à travers la salle. Les quelques personnes touchées protestèrent, mais personne ne se soucia de l’incident. A cette heure bien avancée de la nuit, il n’y avait plus grand monde avec l’esprit clair, capable de prendre sérieusement la situation. A vrai dire, à plus de cinq heures du matin, la plupart des personnes se déhanchant dans la foule compacte n’étaient plus très fraîches. Les vêtements étaient imprégnés de sueur, le maquillage coulait, et la pièce était envahie de relents d’alcool et de transpiration, camouflés par les désodorisants répartis dans la pièce.


Donc, à cette heure-ci, quand une bonne partie du gobelet atterrit sur Jude, il se contenta de marmonner une insulte à l’intention du propriétaire de la boisson et se recolla aussitôt contre le corps du jeune homme qui dansait avec lui. Ses gestes étaient maladroits à cause de la foule agitée, le bousculant sans cesse dans le carré balayé par les lumières vives, mais il réussit à reposer ses mains sur la taille de son partenaire, le pressant un peu plus contre lui pour sentir son désir évident.


Il avait déjà un numéro de téléphone sur le bras, inscrit maladroitement à l’eye-liner par une blonde qui avait pensé susciter l’intérêt de Jude, qui - malheureusement pour la jeune fille - avait porté son dévolu ce soir sur un corps tout à fait différent. Loin de lui les formes voluptueuses des femmes, les jolies poitrines et les hanches larges, il préférait les torses fermes, délicatement musclés, avec des cuisses puissantes. Entre elles, il trouvait son plaisir et se perdait des nuits durant, quand l’alcool ne coulait pas autant dans son corps. Pour ce soir, il avait bien trop bu, ce qui ne l’empêchait pourtant pas de se coller contre le jeune homme qu’il avait attiré à lui après de longs jeux de regards.


Apogée de leur manège, leurs lèvres se retrouvèrent dans un baiser bref, un simple effleurement qui ne fit que monter un peu plus la tension entre les deux. Les iris marrons du brun semblaient noirs dans la pénombre de la salle. Un néon balaya l’assemblée, effleurant le visage de son partenaire. Révélés par la lumière brève, les yeux verts soulignés d’un trait de crayon, intenses, lui tirèrent un frisson anticipateur de la nuit.


Le contact succinct de leurs lèvres ne fut pas assez, il fallait plus, plus intense pour garder de cette soirée un goût agréable. Sans douceur, il tira le jeune homme par la boucle de sa ceinture, le rapprochant brusquement de lui en lui glissant au passage une main dans son dos.


Surprit de cette avance mais acceptant le contact, celui aux yeux verts échappa un gloussement en se rattrapant au cou du chanteur. Lui n’avait pas forcé sur l’alcool, préférant rester conscient de ses gestes et s’assurer une bonne nuit. Il avait bien cerné le brun, qui maintenant lui murmurait les paroles de la chanson qui résonnait dans les puissantes enceintes de la boîte de nuit. Dommage que son coup du soir se soit laissé aller sur l’alcool ce soir, il aurait été plus que parfait, exactement son type de mec, mais c'eût été trop beau pour être vrai. Alors il se laissa simplement faire, appréciant le contact du brun, ses mains sur ses hanches et ses lèvres s’aventurant dans son cou.


C’était simple, pas forcément ce qu’il avait voulu en sortant ce soir, mais en passant une main dans ses cheveux décolorés, le jeune homme se réconforta en se disant qu’il avait au moins eu son portrait avec Jude Jordan, le chanteur qu’il connaissait à travers les mots de sa colloc’ qui ne jurait que par cette série qui l’avait révélé.


Malheureusement, leur danse se termina quand le chanteur repéra à son tour l’objectif braqué sur eux, marmonna une flopée d’injures peu claires qui fit rire son partenaire qui était resté sur le refrain murmuré à son oreille.


“- Très subtil la chanson, Strip that down, s’amusa celui au regard souligné au crayon noir. Par contre, je ne connaissais pas cette partie.”


Le brun haussa les épaules, indifférent à la plaisanterie qu’il n’avait pas saisie dans le bruit du club, se contentant de glisser sa main au creux des reins de son partenaire, l’entraînant simplement à l’écart sans jeter un regard de plus à l’abruti qui le filmait. Charlie s’en chargerait, pour l’instant il avait mieux à penser. Il avait sa nuit assurée, un jeune homme tout à fait charmant, qu’il guida hors du club quelques heures plus tard pour le ramener chez lui.


*


La bouche pâteuse par l’excès d’alcool de la nuit, le brun émergea peu avant quatorze heures. Encore entre sommeil et réveil, Jude tâtonna pour voir s’il avait la place de s’étirer, ce qu’il fit, non sans pousser un grognement de satisfaction en se dépliant, s’étalant au milieu du large lit. Certes, c’était ridicule d’avoir un matelas aussi large alors que seul il dormait roulé en boule, mais c’était un nouveau caprice de gosse assouvit, et un véritable plaisir, quand, comme ce matin, il s’étirait avant de se redresser, prêt à se lever.


Après une soirée pareille, sa routine du matin s’accompagnait d’un rapide regard sur la pièce, aujourd’hui confirmant que la chambre était vide. Personne avec lui dans le lit, pas de vêtements éparpillés au sol. Rien. Et lui était encore habillé.


Dans un soupir, le brun repoussa les draps avant de se lever, trouvant son équilibre au bout de quelques secondes avant de traverser la pièce, grimaçant en passant dans le halo de lumière dégagé par la fenêtre aux volets grands ouverts. Dérangé par la luminosité élevée, il quitta cette tache lumineuse et passa dans la salle de bains avec une idée bien fixée: se débarrasser de ce sentiment de moiteur qui le suivait.


Trop heureux de pouvoir prendre une douche, le jeune homme jeta rapidement ses vêtements dans la panière de linge qui débordait depuis quelques jours déjà. Il s’en occuperait plus tard, repoussant encore une fois ce moment, quitte à avoir du retard, autant en avoir vraiment… Il voulait surtout prendre une douche.


Sous le jet tiède - quel comble… malgré sa petite fortune amassée au fil des cachets, il avait toujours une tuyauterie capricieuse - le brun laissa l’eau emporter les souvenirs de la veille. Il n’y avait pas grand chose à laver, rien à oublier, puisqu’il n’avait visiblement pas fini la nuit avec les yeux verts malicieux qui l'avaient séduit. Un brin déçu, il traîna sous le jet, habitué à prendre son temps pour calmer le contrecoup douloureux qui affectait toujours les lendemains de soirée d’excès.


Mais trop fatigué pour réfléchir à l’absence de mal de crâne, il n’y pensa pas, seulement préoccupé par le contenu de son frigidaire. Maintenant qu’il était propre et habillé, il prévoyait la suite de la journée - plutôt la fin, vu l’heure.

Quoi manger ? Devant quelle série ? Sur la télé ou son ordinateur ? Affalé sur le canapé ou sur son lit ?


Occupé à trouver des questions mais à ne pas y répondre, Jude prit le chemin de la cuisine de la grande villa, relevant un problème futile à chaque nouvelle marche de l’escalier menant au rez-de-chaussée. Il devait bien trouver une occupation à sa journée, sachant qu’il n’aurait même pas à congédier son coup de la veille en lui priant de ne pas aller vendre des détails sur sa vie privée au plus offrant. A la limite, il y aurait sa sœur pour lui prendre la tête avec ses potins de star et ils passeraient la journée comme des gosses à regarder des films débiles. Passer la journée comme des gens normaux.


C’était un bon plan, jugea le brun en traversant le hall d’entrée pour aller retrouver Charlie, guidé par sa voix et ses rires. Il y avait quelqu’un d’autre, mais il ne s’en fia pas, habitué à voir défiler les amis de sa sœur chez lui. Pourtant il lui avait payé une maison… Mais elle s’obstinait à “tenir compagnie à Winnie”, sachant pertinemment que sans elle, il vivrait comme un ermite, parfois trop timide pour sortir. Ses amis se comptaient sur les doigts de la main, et encore… c’était ceux de Charlie, qui avait toujours été plus à l’aise avec les inconnus. Ce n’était pas pour rien qu’elle accompagnait toujours son frère dans les évènements auxquels il était invité.


“- Alors ta gueule de bois ? railla la jeune femme en le voyant, confortablement installée dans le canapé large.”


Avec elle, son partenaire de la veille, ou plutôt du matin, qui tenait la discussion avec elle sans aucun problème. Le canapé était agréable, et la compagnie charmante. Pas le moins du monde dérangé par l’étonnement du chanteur, il le salua d’un sourire avant de prendre une gorgée de café. A son aise, le noiraud reprit sa conversation avec la sœur de sa conquête.


Jude quant à lui se contenta de hausser les épaules, habitué à se retrouver dans des situations bien plus embarrassantes. Parfois bien trop naïf, il avait heureusement son aînée pour rattraper les dégâts. Aujourd’hui elle semblait taper la discut’ librement avec celui qui aurait dû être son coup du soir…


Pour ne pas mentir, il était habitué, et ne s’en formalisa pas plus, passant dans la cuisine pour aller, comme un enfant, se préparer un chocolat chaud. Trop content de découvrir au passage un sachet venant de sa boulangerie favorite - aussi la seule du coin - il mordit à pleines dents dans un croissant, savourant le goût du beurre si particulier sur sa langue, satisfaisant son ventre criant famine.


La viennoiserie ne fit pas long feu, accompagnée de quelques gorgées de chocolat chaud, tandis que le chanteur hésitait à rejoindre le salon. Il était chez lui, mais sa timidité le faisait douter. C’était sa sœur qui savait séduire les gens par sa conversation. Lui n’avait que ses chansons, son physique et sa réputation, et ça semblait si peu, si inutile…


“- Winnie… Winnie !”


Finalement décidé par l’appel de sa sœur, bien qu’il soit désormais suffisamment éveillé pour se douter de ce qu’elle voudrait, il la rejoignit, soupirant à peine quand elle lui fit une petite moue suppliante en lui tendant sa tasse. Habitué, il ne protesta même pas quand elle lui piqua la sienne en échange, le gratifiant d’un “merci Winnie” avec un sourire ravi.


Serviable, il lui ramena sa tasse avec le sachet de viennoiseries, récoltant un nouveau sourire, accompagnant le fond de sa boisson. En grognant, il récupéra ce que sa sœur lui avait laissé, se retenant de lui pincer le bras en retour. S’il se lançait dans une de ces batailles puériles, il était foutu.


Alors sagement, il s’assit sur un fauteuil large avec sa tasse à demi vide, motivé par Charlie qui l’inclut sans difficulté dans la discussion, qui semblait porter sur la France. Le brun secoua la tête, amusé par la réflexion de sa sœur qui venait de vendre la raison pour laquelle il ne refusait jamais un séjour là-bas. Le fromage… Un péché mignon tout à fait respectable, et dont il ne se privait pas.


L’anecdote fit rire la pièce rapportée du trio, qui avoua ne pas connaître grand-chose sur la gastronomie de son pays d’origine. Mais bon, il avait une bonne excuse, né en France, il y avait vécu à peine cinq ans avant de changer de continent, déménager tous les ans, pour ne faire qu’un saut dans l’Hexagone au moment de Noël pour les fêtes, histoire de garder un lien familial. Lien familial qui lui importait peu, pour les quelques fois où il avait côtoyé sa famille, il avait compris que plus rien ne le forcerait à entretenir les liens à dix-huit ans révolus. Pourquoi s’embêter à traverser le globe pour aller essuyer des remarques homophobes sur un petit fond de racisme ?


Enfin bref, il ne connaissait pas grand chose de son pays, et ne refusa pas un morceau de fromage avec Jude, sous la grimace écœurée de Charlie qui avait une sainte horreur de ça.


La suite de la journée continua sur cette lancée, jusqu’à ce que le jeune homme aux cheveux décolorés - Arthur, avait fini par comprendre Jude qui ne se souvenait pas de ce détail relativement important - ne soit appelé par son travail. En acceptant de suivre le chanteur cette nuit, il ne s’était pas douté que cela se terminerait en une journée plutôt calme à goûter du fromage, grignoter des chips, puis finir par mettre les pieds dans l’eau en discutant tranquillement.


“- T’as des goûts de chiotte en décoration, mais en mecs, tu trouves toujours des pépites, commenta Charlie une fois leur nouvel ami parti.


- Je prends ça pour un compliment, répliqua son frère en haussant les épaules.”


Le rire de la jeune femme résonna depuis la cuisine, bien vite accompagné de celui du brun qui profitait de l’eau fraîche et du soleil de fin d’après-midi. Il faisait déjà chaud dans la saison, et il n’y avait rien de plus plaisant que de passer la fin de journée les pieds dans l’eau en profitant de la vue.


Charlie ne tarda pas à se pointer sur la terrasse, un verre dans chaque main, pour aller s’asseoir à côté de son frère en mettant les pieds dans l’eau à son tour.


“- Je l’aime bien lui, lâcha-t-elle après quelques instants de silence.


- Hmm…


- Quoi “hmm”, j’ai le droit de donner mon avis, non ?


- Que tu le donnes ou pas c’est la même chose, je m’en fous pas mal.


- Je suis ta sœur, j’ai quand même le droit de te dire ce que je pense, non ? Mon avis compte un minimum quand même...


- Hier tu critiquais mes tartines de confiture à l’abricot, alors ouais, je peux me passer de ton avis parfois, répondit-il en regardant ses pieds.


- Tu sais quoi ? T’es vraiment un gros con Jude.”


Et tout cela avait été dit dans le plus grand des calmes, jusqu’à ce qu’il décide de pousser sa sœur dans l’eau, sans pitié pour elle. Dans un glapissement de surprise qui s’étouffa, Charlie n’attendit pas d’être sortie de l’eau pour se venger, arrosant son frère sans se soucier du verre qui avait été renversé dans le mouvement.


Hilare, Jude glissa à son tour dans la piscine, pressé par la jeune femme qui lui sauta dessus en grondant, prête à lui faire regretter son geste.


“- Je vais te …”


Coupée par Jude qui la tira sous l’eau, Charlie le griffa en retour, se libérant de son emprise pour s’éloigner de quelques brasses. La guerre était déclenchée, et malheureusement pour le brun qui ne s’en rappela que trop tard, elle était à l’aise comme un poisson dans l’eau, et ne savait que trop bien ou frapper pour assurer sa suprématie de grande sœur. Tartine ou pas tartine, avis ou pas avis, il n’y avait pas une seule occasion à rater pour charrier son petit frère.


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