Interview d'Isabelle, femme de ménage à Notre-Dame-Les-Oiseaux
En tant que jeune journaliste dans mon lycée, j’ai voulu faire un lien avec mon article précédent en interviewant une femme de ménage de mon établissement. Je voulais avoir son ressenti sur son métier et lui poser des questions par rapport à son expérience à Notre-Dame-les-oiseaux.
Je retranscris donc ici l’échange que j’ai eu avec Isabelle.
“ Bonjour Isabelle, je vais donc vous poser quelques questions. Pour débuter, quand avez-vous commencé à exercer votre métier ?
- Ça fait vingt-six ans que je suis dans cette école.
- Ah oui, donc vous-avez assisté à toutes les évolutions.
- Exactement, j’ai tout vu.
- Et alors, était-ce mieux avant ?
- Oui beaucoup mieux, il n’y a pas de comparaison.
- Qu’est-ce qui a changé ?
- Déjà les collègues, ensuite le boulot était bien plus difficile mais on ne se plaignait pas, alors que maintenant… tout le monde se plaint. Mais bon, ils ne savent pas ce que c’est le boulot bien fait. Il y a beaucoup de choses qui ont changé, mais ça s’est dégradé.
- Les conditions se sont dégradées ?
- Non pas les conditions de travail, aujourd’hui on a notre matériel alors que quand je suis arrivée c’était la serpillière. Mais c’est surtout l’ambiance entre collègues qui a changé…
- Il n’y a plus de cohésion ?
- Oui voilà. Et puis moi je suis de la vieille école, j’ai une façon de travailler différente de mes collègues et c’est assez frustrant. De toute façon, oui ça se dégrade au fur et à mesure.
- Donc vous avez commencé ici, à Notre-Dame-les-oiseaux ?
- Non, j’ai travaillé ailleurs : je gardais des enfants dans des familles. Mais là ça fait vingt-six ans que je suis là.
- Et est-ce que vous avez plusieurs contrats de travail en même temps ?
- Non je n’ai que celui avec cet établissement.
- Et combien d’heures travaillez-vous par semaine ?
- Je travaille trente-sept heures.
- Comment se déroulent les journées ici ?
- Franchement, il y a des jours avec et des jours sans, mais comme pour tout le monde je crois. Mais en général, comme je suis les trois quarts du temps toute seule, ça se passe très bien.
Je fais le CDI toute seule, tout à l’heure je vais donner un petit coup dans les bureaux… Mais c’est moi qui ai demandé à travailler seule. Comme ça je suis bien.
- Et vous commencez à quelle heure ?
- A sept heures du matin et je travaille jusqu’à 15h45.
- C’est étrange parce qu’on ne vous voit jamais.
- Alors le matin je suis au CDI, là je viens de faire Info Avenir. Ensuite je vais faire un tour dans les bureaux et après je m’en vais au self. Je suis à la caisse à la cantine et après je nettoie la mezzanine.
- Sinon, quelles sont les difficultés auxquelles vous devez faire face tous les jours, si vous en avez ?
- Des difficultés… Ah oui, en hiver ! Quand tes camarades nettoient leurs pieds pleins de boue sur les chaises ou sur les rebords des fenêtres. Mais c’est l’inconvénient du parc. On travaille dans un environnement génial mais c’est vrai qu’en hiver ce n’est pas terrible.
- Et vous avez eu des soucis par rapport aux élèves justement ?
- Franchement… ? Non jamais.
- Et est-ce que vous trouvez que les gens sont reconnaissants de votre travail ?
- Certaines personnes oui et certaines personnes non, mais bon c’est comme partout malheureusement.
- Avez-vous déjà eu à faire à des remarques ?
- Oui ça arrive. Il y a des jours où on est un peu plus fatigué, il y a des jours où on a pas envie, donc on fait vite fait. Mais ce sont des remarques gentilles, ce n'est pas dit méchamment.
- Jamais de manque de respect ?
- Non franchement jamais de manque de respect dans cette école.
- Après peut-être que cet établissement est plus privilégié par rapport à de nombreux autres lieux de travail.
- Voilà, tout à fait, je suis complètement d’accord avec toi : on est quand même privilégiés dans cette école.
- Ça n'a pas vraiment de rapport mais est-ce que vous manipulez des produits chimiques ?
- Ce qu’on manipule c’est l’eau de javel, c’est un peu chimique mais sans plus. On a d’autres produits comme ça comme les détergents mais ça va encore…
- Sinon, je voulais faire un lien avec mon précédent article : avez-vous déjà entendu parler de la lutte des femmes de ménage dans les hôtels Ibis à Paris ?
- Alors oui, mais il faut se mettre dans la tête qu’on fait le même métier mais on n’a pas les mêmes inconvénients. Elles ont un temps pour chaque chambre alors que nous non. Bon évidemment, moi à 8h30 il faut que le CDI soit fait pour que les élèves puissent rentrer. Alors que dans les hôtels les femmes de ménage ont une demi-heure par chambre.
- Oui ce n’est pas du tout les mêmes conditions de travail.
- Ici, on a le temps pour faire notre travail. Je ne lave pas tout le CDI en même temps. Je nettoie aujourd’hui une pièce, demain une autre pièce… Mais ces dames doivent faire toute la chambre en trente minutes, en comptant la salle de bain ! Elles ont plus de difficultés.
- Donc vous êtes plutôt satisfaite de votre travail, de votre salaire, des conditions ? Vous regrettez quelque chose ?
- Non. Si j’avais regretté je n’aurais pas passé vingt-six ans ici, on est bien d’accord ! Pour les conditions, comme je t’ai dit, l’hiver est beaucoup plus dur que l’été mais on a quand même du bon matériel. Moi personnellement je travaille dans de bonnes conditions, mais comme tu vois je suis toute seule, je n’ai personne avec moi.
- Donc vos collègues en pensent quoi ? Elles sont du même avis ?
- Non pas du tout. Certaines en ont marre. Par exemple, quand on travaille ensemble et que je manque, il faut que les filles viennent aider et qu’elles fassent mon boulot en plus du leur. Et donc des fois ça râle. Comme je te dis en hiver c’est sale de partout donc c’est difficile pour elles.
Mais on est quand même dans une bonne école, le proviseur est vraiment très bien, même si là il s’en va malheureusement. Du moment que le boulot est fait, tout va bien.
Après je ne garantis pas que mes collègues disent comme moi.
- D’accord, merci pour toutes vos réponses ! Ça a été assez vite ! ”
J’ai été heureuse de pouvoir échanger avec Isabelle, cela m’a permis de mettre un visage sur toutes les personnes qui s’occupent de nettoyer notre établissement. D’après elle, il n’y a pas de problème majeur mais ses collègues n’ont apparemment pas le même avis et se plaignent plus des conditions dans lesquelles elles travaillent.
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