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  • Paolina D.

L'Origine du monde

L’art et ses revendications est un sujet fascinant. Lorsque l’on regarde une œuvre d’art, différents ressentis nous envahissent. Par les couleurs, textures, formes, mais aussi par les titres que ces œuvres portent. Les créateurs peuvent vouloir faire ressentir aux spectateurs différentes choses à travers divers procédés ; la mise en scène des personnages, la direction dans laquelle ils regardent ou le lien entre titre et image.


Le lien entre les deux n’est parfois pas évident. Néanmoins, quelques fois, il influence fortement le regard du spectateur. Le titre peut complètement changer l’analyse d’une œuvre, son message et l’attention que l’observateur lui porte. Une de ces peintures est L’Origine du Monde, de Gustave Courbet. Cette peinture est extrêmement intéressante d’un point de vue artistique. Les différents points de vue et les revisites et reprises la concernant en font une œuvre particulière pour l’histoire de l’art.


L’Origine du monde est une peinture appartenant au réalisme produite par Gustave Courbet en 1866 pour un ancien diplomate de l’empire ottoman. Cet ambassadeur commande deux peintures, L’Origine du monde et le Sommeil. Le style réaliste des deux tableaux est saisissant ; ils représentent des femmes nues. Seulement le premier présente uniquement le torse et les cuisses d’une femme, tandis que le deuxième en présente deux, dans leur totalité, plus pudiquement.



Croquis de l’Origine du Monde réalisé par M. souhaitant rester anonyme


Comme on peut l’observer, ce tableau représente le sexe d’une femme sans visage. Le premier plan est occupé entièrement par ses cuisses ouvertes et son ventre. L’absence de visage pousse le spectateur à chercher un ancrage, qu’il trouve au premier plan. La femme possède un corps correspondant à l’idéal de beauté féminin du XIXème siècle ; un ventre rond, des cuisses charnues et une forte poitrine. Le regard s’ancre donc sur ce corps, qui semble offert.


L’imagination de l’observateur est stimulée ; le contexte de la scène, le lieu, la personne représentée. Lors de la découverte du tableau, la question de l’identité de la modèle est beaucoup revenue, sans jamais qu’aucune piste certaine ne soit validée. L’anonymat total de la modèle protège alors son intégrité et sa réputation. Le secret de son identité a également été gardé par Gustave Courbet et malgré la suspicion de certaines femmes de l’entourage de Courbet, aucune n’a été formellement identifiée.


Un tableau qui choque


Lors de son acquisition par Khalil-Bey, le tableau est caché à la vue derrière un fin voile vert. Sa représentation réaliste du sexe féminin est une révolution. Même si la représentation de corps de femmes nues est commune à toutes les époques, leur vulve est systématiquement cachée. En 1800, la Maja nue de Goya fait déjà polémique. Il s’agit de la première œuvre occidentale représentant un pubis de femme poilu.

L’Origine du monde sera cachée de la même façon que la Maja nue, recouverte d’une autre œuvre. L’activation d’un mécanisme permet de révéler le tableau. En effet, l’érotisme de ces peintures choque le grand public, et les propriétaires préfèrent rester discrets.



La Maja nue, Goya, 1800, exposé au Musée du Prado (Espagne)


Courbet cherche dans cette représentation à briser les codes du IIIème Empire, où la représentation des corps est souvent parfaite. Il peint un corps désirable et érotique en dehors d’une représentation mythologique, du jamais-vu. Son tableau évoque une sensualité qui est contrebalancée par le titre. L’Origine du Monde évoque à la fois la procréation, et le rôle des femmes, la grossesse et l’enfantement, c’est-à-dire l’existence de l’humanité et sa perpétuation. Cependant la position du corps et sa représentation évoque une relation charnelle associée au plaisir plus que la procréation. Les deux aspects ne sont pas contradictoires ; ils sont au contraire complémentaires. La femme possède ainsi les deux aspects ; elle est désirable et féconde. La place laissée à l’imaginaire par l’anonymat de la modèle accentue l’aspect érotique de la toile.




L’Origine du monde, Gustave Courbet, huile sur toile, 46 x 55 cm, conservée au Musée d’Orsay


Cette œuvre est la première en Occident à représenter de façon réaliste un sexe féminin. Cette première rompt avec la tradition. Le sexe féminin est traditionnellement présenté comme indécent, voire sale, il faut le cacher. A l’opposé, le sexe masculin ne représente pas de tabous, il est visible sur des statues, de la Grèce Antique à la Renaissance. La femme est, elle, toujours cachée derrière un drap ou une feuille de vigne.


Le tableau de Courbet met en lumière une partie de l’anatomie féminine cachée depuis des siècles. Le titre du tableau semble même lui donner une excuse, comme si Courbet représentait un sexe pour la science, ou à titre informatif. L’Origine du Monde a donc un double-sens, à la fois informatif, sur le sexe féminin et érotique avec la position de la modèle offerte à la vue du spectateur sans pudeur. De nos jours, on assimilerait ce tableau à un nude ou à une image issue d’un film X. Pourtant, le tableau de Courbet offre une douceur et un charme délicat et envoûtant, qui donne une impression de sérénité et d’aisance de la femme.


Un tableau remodélisé par Orlan


En 1989 une artiste plasticienne, Mireille Porte, connue sous le pseudonyme d’Orlan reprend le tableau de Courbet dans une version féministe.

Elle utilise un modèle masculin, installé de la même façon que la modèle de L’Origine du monde. Le tableau a cela d’ironique qu’il porte le titre L' Origine de la guerre. L’artiste critique ainsi dans un mouvement pacifiste le besoin de destruction des hommes.


Si l’on observe ces deux tableaux l’un à côté de l’autre, on se retrouve avec deux poids deux mesures. Le tableau de Gustave Courbet reste une exception artistique ; le sexe féminin reste peu normalisé, surtout dans des sociétés occidentales hyper-hygiénistes. Le tableau d’Orlan invite le spectateur à la réflexion.

Dans la continuité de cette œuvre, Lucile Peytavin a publié en 2021 une étude sur le coût de la masculinité en France, on économiserait chaque année près de 95 milliards d’euros, c’est-à-dire un peu moins du budget défense annuel des Etats-Unis, qui possède le plus gros budget de défense mondial. Cette étude se base sur les statistiques des infractions au code pénal des hommes et leurs coûts. Vous pouvez retrouver une interview de la chercheuse ici.


Même si l’œuvre d’Orlan a aujourd’hui trente-deux ans, elle résonne toujours dans les problématiques actuelles de la société française. La société est profondément marquée par des stéréotypes qui nuisent aux individus. Les nombreux clichés sexistes ; les filles sont douces, les garçons ne pleurent pas ou encore la promotion de la violence auprès des garçons comme un moyen d’expression favorisent l’apparition de comportements déviants et agressifs. Cet écart entre les genres crée des insécurités chez les femmes, qui doivent se protéger et une incitation chez les hommes, qui sont habitués à la violence.


Alors les hommes, l’origine de la guerre ? Cette question est évidemment vaste et nécessite des dizaines d’enquêtes. La réponse est dans l’éducation et la destruction des stéréotypes ; la violence est à proscrire et il faut absolument favoriser la communication entre les individus.

Pour conclure, l’Origine du monde est un tableau précurseur, tout comme ses remasterisations. La représentation artistique que propose Courbet reste une exception, et aucun autre tableau connu de l’Histoire occidentale adopte une telle vue. Finalement, la découverte du tableau par le public a choqué l’opinion publique à une époque où le tabou du corps était encore très développé. De nos jours, le sexe féminin reste encore tabou, parfois au détriment de la santé des femmes, et la promotion de fausses bonnes idées le concernant.




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