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Timothé C.

La migraine, ce n’est pas qu’un mal de crâne

La migraine, ce n’est pas ce que vous pensez. Si vous pensez que c’est un petit mal à la tête, un cachet et c’est fini, c’est une erreur qui met une grande partie de la population dans l’ombre. Les migraineux en subissent le prix toute leur vie, un haut prix, de manière répétitive et fatigante, et beaucoup ne le savent même pas car ils pensent, comme la majorité, que ce n’est qu’un simple mal de crâne . C’est pourquoi j’ai trouvé important d’informer sur la réelle nature de cette douloureuse maladie.

La migraine est mal connue et mal exprimée. Dans toute la France, dès qu’une personne a un mal de tête, on qualifie celui-ci de migraine, alors que seul 15% des Français environ souffrent réellement de migraines, dont une grande majorité de femmes. En effet, les conditions nécessaires pour être qualifié de migraineux sont très nombreuses. C’est une maladie chronique, c’est à dire récurrente.

Mais avant de détailler ces conditions, il faut d’abord qualifier les crises migraineuses. Ce sont ces crises que l’on appelle à tort “migraines” alors que leur nom plus scientifique est céphalée. C’est un phénomène qui a pour cause le système vasculaire ( les vaisseaux sanguins ) et le cerveau. Il se passe une inflammation des artères de la dure mère ( une des couches qui enveloppe le cerveau ) et d’une stimulation de l’hypothalamus, la zone centrale du cerveau qui capte les stimulis extérieurs et peut réagir en sécrétant des hormones hypothalamiques.

Toute cette agitation crée une explosion de l’activité des neurones, des mauvaises interprétations de la part du cerveau et des nerfs qui transmettent aux centres nerveux un message de douleur. Tout est bien sûr simplifié ici : bien que les symptômes aient été déjà retranscrits depuis l’Antiquité par Hippocrate, les neurologues d’aujourd’hui ne savent pas encore tout de la migraine, notamment pourquoi l'hypothalamus est stimulé.





Ça, c’était seulement les céphalées. Les migraines ont des critères supplémentaires. Mais avant, il faut distinguer deux types de migraines : les avec aura et les sans aura. D’abord, les sans aura, les cas les plus communs ( plus de 70 % des migraineux ).

Pour avoir la malchance d’être désigné comme migraineux, même sans aura, il faut avoir expérimenté au moins 5 crises migraineuses dans sa vie, chacune répondant à ces critères :

  • durée de 4 à 72 heures (10 % des migraineux ont eu des crises de plus de 2 jours)

  • 2 critères minimum parmi : - unilatéralité ( la douleur n’est ressentie que d’un côté du cerveau)

- pulsation ( on ressent des battements en accord avec le battement de notre coeur)

- douleur modérée à sévère

- aggravation à l’effort ( pour marcher, par exemple)

  • nausées et/ou vomissements et/ou photophobie associée à une phonophobie

La photophobie est l’incapacité de supporter la lumière, la phonophobie celle de supporter le son.

Et enfin, caractéristique importante de la migraine, un examen qui n’est pas réalisé pendant une crise ne montre rien d’anormal. Ce point participe significativement à la complexité clinique de la maladie.


Ces points-là ne montrent qu’une migraine sans aura. Une migraine avec aura veut dire que lors des céphalées, des auras, c’est-à-dire des troubles de la perception, arrivent. Dans 90% des cas, c’est visuel : une tâche sombre en plein milieu de la vision ou des zones floues et lumineuses. Les auras peuvent aussi atteindre d’autres sens : on peut avoir des engourdissements, ou encore des difficultés à s’exprimer.

( à noter que les auras ont pour origine le cerveau : il n’y a aucune entrave au fonctionnement des yeux par la suite pour une aura visuelle par exemple.)


Reproductions d’auras visuelles d’après les dessins d’un patient par J.Babinsky



On pourrait croire que cette longue définition couvre l’entièreté des migraines possibles et imaginables. Sauf que tout ce qui est défini ci-dessus ne correspond qu’aux cas typiques. De nombreuses exceptions viennent encore allonger les caractéristiques de la migraine, tellement qu’il a bien fallut les omettre.

Ainsi, devant toutes ces informations, il est logique de se demander quel réel danger de mort encoure un migraineux, la douleur n’étant plus à prouver. En fait, heureusement pour une grande partie du monde, le seul danger est si la crise survient dans des moments qui nécessitent une attention constante, comme la conduite. Mais curieusement, les migraineux semblent capables de prévoir leurs crises un peu avant qu’elles n’arrivent …

Ce phénomène qui permet donc d’éviter bien des accidents est lui aussi mystérieux. Des symptômes psychologiques semblent prévenir d’une crise, comme le rapportent certains migraineux. Cela peut être un trouble de la faim, de l’humeur, ou parfois des symptômes physiques, des picotements, …



Quelles pourraient-être les solutions, si par chance il en existe ? Comment soigner ce qu’on ne comprend pas encore parfaitement ? La solution des chercheurs a été de chercher à diminuer la douleur, en diminuant l’activité du cerveau ou le flux sanguin par le biais de médicaments, ce qui n’est pas efficace pour tous. Mais d’autres solutions plus innovantes ont vu le jour :

Le Cefaly, dispositif créé par Cefaly Technology à Liège en 2009. Le dispositif permet de réduire la durée d’une céphalée pendant celle-ci ou de diminuer les risques pendant un usage régulier. Le but est de stimuler le nerf trijumeau, un nerf crânien grâce à un dispositif produisant des micro-impulsions. Aucun effet secondaire n’a été rapporté pour l’instant, et le Cefaly, à raison de 20 minutes par jours environ, arrive à faire diminuer les douleurs et les crises de 30%. Le dispositif a un coût de 300 €, doit être rechargé mais est simple d’utilisation.

Le patch Nerivio Migra, de la société Theranova, qui utilise la technique de neurostimulation électrique transcutanée, ou TENS. Le patch se colle sur le bras au début d’une crise pendant 30 à 45 minutes. 70% des patients se sentaient soulagés après seulement 2 heures, et pour 37 % la douleur a même disparue. Le dispositif n’est pas encore autorisé en France.

Le Gammacore est un boîtier stimulant le nerf vague, ce qui contribue à réduire les douleurs durant les céphalées. Il a été développé par la société américaine Electrocore.Inc et est disponible en France pour 500€.

Mais la douleur n’est pas le seul point contre lequel les migraineux doivent faire face. Une pression sociale tant au niveau professionnel que personnel : on estime que 35 % des migraineux ont une perte de productivité d’au moins 6 jours par trimestre, et que pour 20% des migraineux cette durée s’élève à 11 jours.

Mais la plupart des personnes, comme on le remarquait en début d’article, ne pense pas qu’une migraine puisse justifier une absence si longue et régulière. Avant le XIXème siècle, il y avait une distinction claire entre “mal de tête” et “migraine”. Durant la Révolution industrielle, il était rare de pouvoir falsifier une maladie pour s’éviter un jour de travail car les ouvriers étaient très souvent voisins. L’apparition des congés maladies en 1928 et de moyens de transports plus efficaces ont permis aux travailleurs de, parfois, prétendre “qu’on se sent mal” pour avoir un jour de repos ou pour un autre prétexte. Mais l’excuse du mal de tête revient souvent, et l’imaginaire collectif aujourd’hui voit cette excuse comme un mensonge. Les collègues des migraineux ont une mauvaise première impression d’eux et par biais d’ancrage, un biais cognitif qui nous amène à privilégier la première impression à d’autres facteurs, ils peuvent être sans cesse critiqués au travail.

À cela s’ajoute le fait que les employeurs qui savent quels réels problèmes la migraine cause privilégiera d’autres candidats.



Voilà donc pour quelles raisons j’ai écrit cet article. Pour ceux qui se reconnaissent dans les symptômes de la migraine, consultez votre médecin et pour les autres, rappelez-vous que la migraine est une pathologie sérieuse et handicapante. N’ajoutez pas aux migraineux une autre étape à surmonter.




Sources :


Sciences et Avenir - Septembre 2020 N°883

Le Monde,n°23326, 08 janvier 2020

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