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Timothé C.

Rougeole, vaccins et antivax : Pourquoi une maladie du néolithique tue-t-elle toujours ?

La rougeole est l’une des plus grandes causes de mortalité pour l’humanité, et elle atteint l’Homme depuis la préhistoire. En 2012, l'Organisation Mondiale de la Santé publiait un rapport dans lequel elle voyait la rougeole éradiquée en 2020 dans une grande partie du monde, notamment les pays développés.

En effet, des moyens de prévention très efficaces ont été développés et la maladie est bien comprise. Pourtant, nous sommes fin 2020 et la rougeole n’a été éradiquée presque nulle part.

Pourquoi les épidémies de rougeole sont-elles toujours d’actualité ?

Cette carte montre par états la gravité d’une épidémie de rougeole sur les jeunes s’enrôlant dans l’armée aux États-Unis en 1917



L’origine du virus est simple; quand l’humanité a commencé à pratiquer l’élevage, une version du virus de la peste bovine a muté, profitant de la proximité entre l’Homme et les animaux pour être capable d’infecter ces premiers. Au fil de différentes mutations, le virus de la rougeole que l’on connaît aujourd’hui a un réservoir strictement humain, c'est-à-dire qu’il n’infecte aucune autre espèce. Il est aussi actuellement l’une des maladies les plus infectieuses au monde, avec un R0, le taux de reproduction de base d’un virus, qui correspond au nombre moyen de personnes qu’un individu atteint de la maladie infectera, se trouve entre 10 et 20 ( pour comparaison, on estime celui du Covid-19 aux alentours de 1,5 ). Évidemment, ce nombre varie selon les mesures prises et les endroits étudiés …


Un virus est un agent infectieux. Son mode de reproduction est différent des êtres vivants, il a besoin d’un hôte et ne se reproduit pas par lui-même. C’est la plupart du temps de l'ADN avec quelques protéines de surface. On n’a pas encore aujourd’hui bien déterminé si les virus sont vivants, le débat est toujours ouvert.


Heureusement, ce virus ne touche pas tout le monde, il n’infecte que les enfants, voire les jeunes adultes ( sachant qu’avec une population à risque réduite, une épidémie se propage moins vite ). De plus, il existe un vaccin contre la rougeole. Le principe d’un vaccin est d’administrer une préparation avec l’agent infectieux en question, dans le but de provoquer une réponse immunitaire de l’organisme pour le protéger lors d’éventuelles prochaines infections. Pour la rougeole, une dose est efficace dans 95% des cas environ, chance augmentée si plusieurs doses sont administrées. Ce vaccin est un vaccin vivant atténué, c’est-à-dire que l’immunité est proche de celle naturellement induite, mais que les complications sont plus fréquentes car un vrai virus est inoculé.


Si un individu contracte la rougeole sans être ou vacciné ou immunisé, la première mesure à prendre est l’isolement de la personne et de ses contacts à risque. Les traitements sont uniquement curatifs, donc ils ne permettent que de diminuer l’effet des symptômes de la rougeole. Parmi eux, une hydratation, une alimentation correcte et divers médicaments. L’OMS conseille dans les pays en voie de développement une administration de vitamine A pour éviter de trop sévères complications oculaires. De toute façon, un cas trop grave ou de grandes complications nécessitent une hospitalisation en isolement par rapport à d’autres patients ( les soignants doivent être immunisés contre la rougeole ). Des conditions que malheureusement les pays les plus pauvres n’ont pas, ou pas assez.



On comprend ainsi très bien pourquoi la maladie sévit toujours dans les pays en voie de développement, bien que des moyens de prévention et de soins existent, ils ne sont pas assez accessibles, pas assez rapidement.


Mais même dans les pays où il est facile de se faire vacciner, comme la France, la maladie est toujours présente. En 2018, près de 3000 cas ont été recensés, et 3 personnes en sont décédées. Pourquoi, alors que le vaccin est accessible relativement facilement, meurt-on encore de la rougeole en France ?

Dans presque tous les articles qui citent ce nombre d’infections, un chiffre apparaît aussi : 90%. C’est le pourcentage de cas qui étaient non ou mal vaccinées parmi ces 3000 malades.


L’effet des vaccins n’est plus à prouver. Outre les nombreuses études scientifiques ou ce simple chiffre qui montre bien que ce sont les non-vaccinés qui contractent plus souvent la maladie, on peut aussi le démontrer par le fait que depuis que le vaccin est obligatoire en France, mesure mise en place le premier jour de 2018, on a pu apercevoir une importante recrudescence des cas dès 2019.


Si le vaccin comporte quelques risques, ceux-là ne sont rien comparés aux effets de la rougeole ou à l’importance d’éradiquer enfin une maladie qui tue depuis des milliers d’années. Dans ce cas, qui pourrait refuser de se faire vacciner, et surtout pourquoi ?


Tout le monde a entendu le terme d'anti-vax, un terme assez explicite qui inclut les gens hostiles aux vaccins en général. On peut penser que c’est une idée récente à relier aux théories du complot, mais c’est en fait un cas assez à part.

En effet, Françoise Salvadori et Laurent-Henri Vignaud montrent dans leur livre Antivax, La résistance aux vaccins du XVIIIème siècle à nos jours que les mouvements anti-vaccinations sont aussi anciens, voire même plus que les vaccins eux-mêmes. L’ancêtre du vaccin est la variolisation, qui consiste à laisser un individu contracter la variole dans un environnement contrôlé pour qu’à la fin, il acquiert une immunité sans prendre le risque d’infecter trop de personnes. Cette méthode, même si elle ralentit la propagation de la maladie, s'accompagne de beaucoup de morts et est très contestée.


Quand Louis Pasteur est arrivé à la fin du XIXème siècle avec ses vaccins qui ressemblent plus à ce que l’on a aujourd’hui, il a été sujet à de nombreux opposants. Ses essais non concluants sur des animaux ou des patients humains n’ont pas arrangé les choses, et l’obligation de la vaccination a fait arriver ces débats dans les grands titres de la presse, mais les guerres du XXème siècle ont fait taire les antivax.


C’est après la Seconde Guerre Mondiale que les mouvements anti-vaccinations ont fait leur retour. Effectivement, la vaccination a été victime de son succès : un grand nombre de personnes vaccinées a engendré de nombreux morts, bien que les effets secondaires létaux du vaccin étaient rares (exemple avec des données fictives : le vaccin tue une personne sur 1 million. Si 10 millions de personnes se font vacciner, 10 personnes meurent, mais si 100 millions de personnes sont vaccinées, 100 meurent ). Cela donnait plus de forces aux paroles des antivax, et encore plus dans les années 1970, où la variole était presque éradiquée : beaucoup de gens étaient vaccinées dont certains mourraient, et le nombre en baisse de morts dû à la variole était en train de décroître. On disait donc que le vaccin tuait plus que la maladie. Les antivax se sont calmés quand en 1980, la variole a été éradiquée et qu’il a bien fallu reconnaître l’utilité des vaccins.


Aujourd’hui, beaucoup de personnes relient la notion d’antivax à celle de théories du complot. Cette catégorie d’antivax s’est d’ailleurs grandement propagée avec les progrès technologiques.

Les réseaux sociaux sont aussi le plus grand vecteur de désinformation : avec un message émotionnel, on peut toucher et persuader un grand nombre de personnes. En effet, tous leurs algorithmes cherchent à valoriser un contenu divertissant, sensationnel, ce qui fait que les théories du complot sont bien plus “intéressantes” dans ce sens qu’un communiqué de l’OMS, avec un langage factuel et scientifique.

Les théories du complot ne s’appuient sur aucune preuve valable, on pourrait assez naturellement penser qu'elles sont crues par peu de gens, et que ça ne peut pas être sérieux.

Par exemple, l’une des théories les plus absurdes mais l’une des plus populaires affirme qu’il y a un lien entre la vaccination et l’autisme, une maladie à part génétique majoritaire, aux symptômes variés qui cause une difficulté d’intégration sociale. Il est relativement évident de voir qu’il n’y a pas de lien, l’autisme étant une maladie génétique dont on peut savoir si l’on est atteint au stade embryonnaire, avant la naissance.

Pourtant, le site du CDC ( Center for disease control and prevention ), une agence gouvernementale américaine chargée de la prévention, de l'étude et du contrôle des maladies précise à propos des vaccins contre la rougeole qu’aucun lien n’a été démontré entre celui-ci et l’autisme. Des études scientifiques ont même dû le démontrer de manière consciencieuse, comparant l'effet de chaque composant des vaccins sur un développement de l’autisme. À chaque fois, la conclusion est la même : il n’y a aucun lien entre vaccin et autisme. Les antivax complotistes nient ces résultats, ou bien se retranchent et disent que la vaccination provoque d’autres maladies.


Mais les complotistes ne sont pas la seule catégorie d’antivax. Beaucoup sont, ce que Françoise Salvadori et Laurent-Henri Vignaud qualifient “d'anti-vax opportunistes”, qui le deviennent après un accident parmi leurs proches. Pour ceux-là aussi, les réseaux sociaux participent à la propagation de leurs idées : une personne considérée comme proche de nous sur Internet peut nous influencer, alors qu’on ne la connaît même pas. Ceux-là aussi sont viraux, car ils peuvent faire part de leurs émotions privées, de leur lien avec les victimes d’accident, …


La dernière catégorie est l'anti-vax modéré, c’est la catégorie la plus réfléchie. Ils ne nient pas l’utilité du vaccin, mais veulent pouvoir avoir un choix entre la maladie et le vaccin. On pourrait dire que c’est sans danger et un choix personnel sans danger pour la société, mais en réalité ça ne l’est pas, car ne pas se faire vacciner entraîne d’autres personnes plus fragiles à mourir, la couverture vaccinale dans la population devenant moins importante.


Tous les antivax contribuent à la propagation de maladies. Toutes les informations concernant les antivax mentionnées ci-dessus sont déjà valables pour le vaccin contre le coronavirus, et les propos antivax sur les réseaux sociaux sont en train d’augmenter le nombre de personnes qui seront méfiantes vis-à-vis du vaccin, et cela va très sûrement être un facteur à prendre en compte sur les décisions de vaccination. Le gouvernement lutte, mais comme dit précédemment, les antivax utilisent des moyens de communication plus émotionnels, qui persuade mieux. C’est pourquoi il faut rester vigilant quant aux informations qui nous sont données, pas seulement sur Internet mais en règle générale, car les fausses informations ont des répercussions réelles qui peuvent nous nuire à nous ou aux autres.


Si vous voulez creuser un peu, les sources sont en dessous. Si l’histoire des mouvements anti-vaccinations vous intéresse, je vous conseille le livre Antivax, La résistance aux vaccins du XVIIIème siècle à nos jours, de Françoise Salvadori et Laurent-Henri Vignaud, ma source principale pour la partie sur les antivax.




Sources :

Le Monde, n°23086, le 02 avril 2019

Antivax, La résistance aux vaccins du XVIIIème siècle à nos jours, Françoise Salvadori et Laurent-Henri Vignaud,



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