YTOOIL : Chapitre 2
“Bienvenue dans notre maison”, dis-je en ouvrant la porte.
Tiffany entre, laisse ses bagages au pas de la porte, et monte les escaliers pour retrouver sa chambre. C’est son rituel, chaque fois que l’on retourne dans cette maison. Moi je la suis naturellement, habitué. Alors que je continue de la suivre, elle s’arrête devant la porte de sa chambre. Je me mets derrière elle et je suis son regard, j’aperçois deux chats allongés l’un à côté de l’autre, sur une vieille couverture qui nous avait servi il y a plus de 10 ans.
« Tu ne trouves pas qu’ils nous ressemblent ? demande Tiffany.
- Je sais pas comment le prendre ? dis-je en rigolant.
- Ils me font penser à nous deux, allongés sur cette couverture. Isolés, fragiles, sans rien, mais à deux, comme s’il ne pouvait marcher l’un sans l’autre.
- J’espère qu’ils feront comme nous alors, qu’ils avanceront patte dans la patte, et qu’ils resteront toujours ensemble.
- Ça m’étonnerait, ils sont très faibles, il y a peu de chance qu’ils arrivent à tenir longtemps.
- Pas si on s’en occupe et qu’on leur donne ce qu’il faut pour avancer. Mais avant tout, comment ils sont rentrés dans la maison ?
- Je ne sais pas, ils ont dû rentrer quand la femme de ménage est venue faire son travail. Mais je croyais que tu n’aimais pas les animaux ?
- Effectivement mais moralement je ne peux pas les laisser comme ça. Quand on était dans cette position, on n’a pas eu grand-chose, la seule personne à nous aider c’était ta mère. Même si elle t’aidait plus toi que moi.
- En même temps tu m’as kidnappé, mon père t’en veut encore aujourd’hui, me dit-elle en plaisantant.
- J’avoue t’avoir un peu gardé pour moi mais en même temps ça ne te dérangeait pas trop, sinon tu serais partie.
- Je ne pouvais pas te laisser sans rien, si tu ne m’avais pas eu moi tu n’aurais pas eu à manger ou de quoi dormir.
- Non c’est sûr mais comme ta mère est très gentille, elle nous a apporté de quoi tenir une semaine.
- Elle ne comprenait pas toujours pourquoi je voulais absolument être avec toi. Mais elle lit beaucoup de romances, donc elle m’a laissé une chance. Une chance de choisir la personne avec qui je veux passer ma vie.
- Pour le coup j’ai eu de la chance j’ai réussi à choisir tout de suite les personnes importantes pour moi. A 16 ans j’avais rencontré mon meilleur ami et j’ai même trouvé sa femme l’année d’après. Après côté cœur c’est ambivalent je n’ai pas eu à de mal à choisir puisque je suis tombé sur la fille parfaite dès le début, mais j’ai dû attendre plusieurs années avant de pouvoir être avec elle.
- J’ai eu du mal aussi. Mon premier amour a disparu de ma vie aussi vite qu’il y est rentré, et j’ai dû attendre d’être adulte pour pouvoir vivre avec mes meilleurs amis et mon petit ami.
- C’est vrai, mais même si je vivais avec Micka et Alix je rêvais des moments où j’étais avec toi sans avoir à tenir la chandelle entre les deux autres, fis-je en souriant.
- Tu sais, dit-elle sérieusement, j’ai été un moment jalouse d’Alix.
- Quoi ? Mais c’est impossible.
- Ne t’inquiète pas, je ne suis plus jalouse depuis un bon moment, j’ai appris à la connaître et en plus elle n’a que Micka en tête. Mais quand on a commencé à parler de ma venue chez vous, j’étais vraiment jalouse parce que je ne pouvais pas partir de chez moi mais toi tu passais tes journées avec une autre fille, vous viviez et dormiez ensemble. Moi j’étais bloquée toute seule loin de toi. Alors oui, je l’enviais parce que ma seule envie c’était d’être à sa place avec toi et Mickaël.
- Tiffany, sache que c’est toujours toi que j’ai priorisé. J’ai tout fait pour que tu vives au mieux et que tu ne sois pas dans la même situation que moi et les deux autres. C’est moi qui t’ai obligé à rester chez toi jusqu’à tes 18 ans et c’est moi qui t’ai forcé à continuer tes études et à tout donner. Alors oui, j’ai vécu 2 ans avec Micka et Alix, et on a tous travaillé pour garder l’appartement et pour permettre à Alix d’aller aussi au bout de ses études sans avoir à trop travailler. Mais on a eu du mal, on a bossé sur des chantiers et on a fait des heures supplémentaires pour mettre un peu de côté et pouvoir faire ce qu’on fait aujourd’hui. On s’est battu toute notre vie pour en être là. Alors ne dit pas que tu voulais être à sa place tu étais beaucoup mieux avec tes parents à vivre une adolescence normale. Alix aurait adoré pouvoir vivre une enfance paisible. On aurait tous aimé avoir une enfance normale. »
Sans m’en rendre compte, je m’étais mis à pleurer. La plupart de ces souvenirs remontaient les uns après les autres. Mais ce qui me rendait le plus triste c’était d’imaginer Tiffany vivre dans les mêmes conditions que nous et de ne rien pouvoir faire pour lui accorder la vie qu’elle mérite. Ce sentiment d’impuissance est ma hantise. Je me perds dans mes idées noires, plongé dans un cercle vicieux.
- Tout va bien. Je sais bien que tu as toujours pris soin de moi et c’est aussi pour ça que je t’aime. Tu es soucieux de savoir comment va Micka ou si Alix n’a pas de problème et puis tu t’inquiètes, à mon avis, tout le temps pour moi. Il faut que tu avances et que tu ne t’inquiètes plus pour ça. Micka et Alix sont mariés et sont suffisamment forts pour se débrouiller tout seul, tu n’as plus besoin d’être toujours près d’eux pour les aider. Et moi, j’ai aucun problème. J’ai un super travail, j’ai de super amis et j’ai un merveilleux petit ami qui s’occupe trop de moi et pas assez de lui. Alors cette semaine, tu vas arrêter de penser à tout ça et tu vas en profiter pour prendre de vraies vacances. Je vais m’occuper de toi tu vas voir.
- Ta dernière phrase me fait peur, dis-je en souriant. Mais tu as raison, je dois apprendre à vous laisser vivre.
- On te demande pas de ne plus t’occuper de nous mais de d’abord t’occuper de toi, d’être un peu plus égoïste.
- Ce n’est pas ma façon d’être. J’ai pris l’habitude de m’occuper de vous trois.
- Justement maintenant on peut échanger les rôles. Je sais que Micka est comme toi et il protège autant Alix que tu me protège moi. Mais maintenant, c’est à mon tour. Tu peux arrêter d’être un adulte responsable de tout et devenir plus libéré.
- Ça m’a l’air bien comme idée.
- Merci, j’ai quelques bonnes idées de temps en temps.
- Quand ça arrive faut en profiter parce que c’est rare, lui rétorquai-je.
- Dis celui qui fait tout ce que je demande.
- L’amour rend aveugle c’est bien connu.
- Ferme les yeux alors. ”
Je l’écoute et ferme mes yeux. Elle m’attrape le bras et m’amène là où elle veut. Elle me traîne dans le couloir et je vois toutes les pièces dans ma tête. Je me repère juste à travers mes souvenirs. On a traversé le premier étage pour descendre au rez-de-chaussée. Tiffany s’arrête alors, là où se situait le salon. Alors elle lâche mon bras et me dit :
“Tu peux ouvrir les yeux, Thomas. ”
Alors j’ouvre les yeux et je vois une image complètement différente de ce à quoi je m’attendais. A la place, une toute autre pièce s’offre à moi. La pièce a complètement changé, plusieurs murs ont été abattus, la transformant totalement, je me retrouve plongé dans une ambiance totalement différente que ce que j’ai vu de la maison jusque-là. Le côté rustique et vieux plein de souvenirs est remplacé par une nouveauté sobre regroupant plein d’allusions à notre vie. Il y a encore 3 portes fermées qui doivent mener à de nouvelles pièces.
“Joyeux anniversaire, mon cœur, me dit Tiffany.
- Merci, c’est magnifique.
- J’ai dû demander de l’aide à plusieurs personnes et c’était compliqué de te le cacher mais ça vaut le coup, juste pour ton regard plein d’étoiles.
- C’est un super cadeau, il y a tellement de belles choses et je n’ai même pas encore tout découvert.
- D’ailleurs, que dirais-tu de visiter le reste ?
- Evidemment, j’ai trop hâte. On commence par quelle porte ?
- Par la plus éloignée.”
-
On avance tous les deux vers la dernière porte. Je continue de regarder autour de moi, hypnotisé par la décoration de la pièce. Elle est peinte en blanc et suit une frise chronologique. La porte par laquelle nous sommes entrés est le début. On commence par des photos de Tiffany bébé, puis plus on avance et plus elle grandit, et à un moment, j’apparais, puis Mickaël, et Alix. Au final, tous nos meilleurs souvenirs sont affichés les uns après les autres toujours dans l’ordre chronologique. La dernière photo, c’est le mariage d’Alix et de Mickaël, on les voit tous les deux sublimes et souriants.
“Tu es prêt ? me questionna Tiffany.
- Oui, je regardais toute la frise, elle est juste magnifique.
- Et encore elle n’est pas finie.
- Il te manque des photos ?
- Oui, celle de notre avenir.
- C’est pour ça que y a seulement la moitié des murs qui sont décorés.
- C’est ça, chaque mur vierge représente notre futur. J’ai comme idée de remplir les murs au fur et à mesure pour qu’au final on est toute notre vie affichée.
- Ton idée est géniale, déjà là ça rend bien mais avec toute notre vie ça deviendra un magnifique endroit.
- Je suis contente, j’ai déjà prévu de le faire avec des photos de cette semaine.
- Ok pour moi.
- On rentre alors ?
- Après toi Mme la guide. ”
Tiffany ouvre la porte et allume la lumière. On entre dans un bureau. La pièce est divisée en deux. Elle contient tout le nécessaire pour que Tiffany puisse travailler tous les modèles qu’elle veut et à la fois que moi je puisse faire tous mes projets en appel vidéo.
“Je croyais qu’on n’allait pas travailler ?
- Cette semaine je t’interdis de travailler, mais comme on a l’intention de revenir dans cette maison je me suis dit que ça nous permettrait de partir plus sereinement puisqu’on pourrait travailler ici sans problème.
- T’as vraiment tout pris en compte.
- Je n’ai rien laissé au hasard. Surtout que ça me tenait à cœur.
- Allons voir les autres pièces alors, j’ai trop hâte de voir tout ce que tu as fait.
- D’accord, suis-moi.”
On quitte le bureau pour se diriger vers une deuxième porte. Je m’arrête devant une porte et m’apprête à l’ouvrir.
“ Non, n’ouvre pas cette porte. ”
Je retire ma main de la poignée et regarde Tiffany.
“Pourquoi ?
- Parce que d’abord on va voir l’autre pièce.
- C’est si important ?
- Thomas.
- Ok, je te suis.
- Merci.”
J’attrape sa main et nous nous dirigeons vers l’autre porte. Elle l’ouvre et je vois une pièce servant de chambre. Un lit énorme fait face à un meuble supportant une télévision et tout un matériel numérique de pointe. Je saute sur le lit et m’enfonce dedans.
“Je sais que je t’ai dit d’arrêter d’être un adulte mais tu n’es pas obligé de te transformer en enfant.
- Il est super confortable tu devrais venir l’essayer.
- Dans tes rêves j’ai mieux à faire.
- Pas tant que je suis là. ”
J’attrape Tiff par le bras et la tire vers moi. Elle n’a pas le temps de s’en rendre compte qu’elle est déjà allongée sur le lit.
“Bah alors, je croyais que tu avais autre chose à faire, dis-je d’un air moqueur.
- Tu l’auras cherché. ”
Elle attrape l’oreiller à côté d’elle et me le lance dessus. Surpris je le prends dans la tête.
“Ah c’est comme ça. Tu vas le payer.”
Je rattrape l’oreiller et lui jette dessus, et profite de l’instant pour l’attraper et l’enrouler dans la couette. Sauf que c’est moi qui me retrouve pris au piège. Alors que je voulais la renverser, elle a attrapé l’oreiller et s’en est servi pour me repousser. Elle s’est assise sur moi et a bloqué mes bras et mes jambes.
« Il me semble que j’ai gagné, tu ne crois pas ? me dit-elle avec son sourire de vainqueur.
- Non je t’ai juste laissé gagner, c’est tout.
- Ah bon ? Tu es sûr ? Il me semble plutôt que tu t’es juste fait battre à plate couture.
- Si tu veux.
- Quel orgueil impressionnant tu as. Comment vais-je te punir pour ça ?
- Tu ne vas pas me punir, parce que tu es tellement gentille.
- Je n’en suis pas si sûr. Il se trouve que j’ai très envie de m’amuser. Je te laisse le choix. Soit tu t’excuses et tu avoues que tu as perdu, soit je t’enferme dans cette pièce.
- Déjà je sais que tu ne le feras pas, parce que tu en es tout simplement incapable et ensuite je veux bien avouer que tu as gagné seulement si j’y gagne quelque chose.
- Ok très bien, alors je te propose un dernier choix. Si tu t'excuses, en échange je t’offre un câlin.
- C’est pas mal. J’accepte ton offre.
- Tu ravales ta fierté pour vraiment pas grand-chose, dit-elle en rigolant.
- Seulement avec toi.
- Je devrai être flatté ?
- Non absolument pas. Mais c’est vrai que tu es la seule personne que j’ai peur de me mettre à dos.
- Heureusement, t’as vu à quel point je suis forte, dit-elle en mimant quelqu’un avec d’énormes muscles.
- Je te laisse 3 secondes. 3.
- 2.
- 1.
- 0.
- Tu as perdu. »
Je me relève et l’attrape avant qu’elle ne s’enfuit hors du lit. Je la renverse et m’allonge sur elle pour la bloquer. Je la maintiens sur le lit et lui chuchote à l’oreille :
“Si tu arrives à sortir tu gagnes ce que tu veux. Mais si tu perds c’est moi qui gagnes ce que je veux, ok ?
- Ok.”
-
Malheureusement pour elle, je n’étais pas prêt de la laisser sortir. Après plusieurs minutes de bataille, elle s’arrête pour respirer.
« Bon, définitivement je ne gagnerais pas avec des techniques loyales. Tu m’obliges à tricher, ce n’est vraiment pas juste, dit-elle en faisant la moue.
- Tu as juste à abandonner et hop je te libère.
- Dans tes rêves, tu sais aussi bien que moi que ni l’un ni l’autre nous allons abandonner.
- Effectivement mais tu n’arriveras pas à te défaire. Je tiens à avoir ma récompense.
- Tiens donc, moi aussi je veux l’avoir.
- On peut s’arranger tu crois ?
- Ça dépend ce que tu veux faire de ta récompense.
- Ma récompense c’est toi, dis-je en la regardant dans les yeux. Je la lâche et elle vient s’allonger à côté de moi.
- Moi aussi c’était toi, j’avais l’intention de te demander de m’accompagner à la cérémonie annuelle regroupant toutes les marques de modes.
- C’est pas vendredi de la semaine prochaine ?
- Si c’est ça.
- Elle a lieu où ?
- A Osaka.
- Alors je vais essayer.
- Sérieusement ?
- Oui, j’ai reçu une invitation que j’avais décliné il y a 4 mois parce que je devais aller à Barcelone. Mais puisque c’est ton souhait, je vais venir.
- Et ton séminaire ?
- Je laisserai quelqu’un me remplacer. Il me semble que Mickaël et Alix avaient prévu d’aller à Barcelone bientôt, je peux m’arranger pour qu’ils avancent leur voyage et l’allonge. Ça devrait faire l’affaire.
- Avant que tu viennes, il faut que je te mette au courant de plusieurs choses.
- Vas-y, je t’écoute. »
Je la vois hésiter et je perçois dans ses yeux une lueur anormale. Cette lueur chez Tiffany représente toujours une peur. Quand je vois qu’elle commence à trembler, un frisson me parcourt tout le corps. Je la prends dans mes bras et lui chuchote à l’oreille pour la calmer.
« Prends ton temps, tout va bien.
- Tu te souviens que lors de mon premier défilé, j’avais fini deuxième.
- Oui, je me souviens qu’on était tous venu te voir et que t’étais hyper déçu de finir deuxième.
- Lors de ce défilé, j’ai battu la plupart des grands noms de la mode. Alors que je n’étais qu’une débutante et une fille en plus. Je me suis mis à dos à ce moment la quasi-totalité des parrains de la mode. Le seul qui n’était pas contre moi et qui en plus a pris ma défense c’est Alex Fabroni.
- Qui ?
- Alex Fabroni, c’est le PDG de la plus grande marque de mode, un créateur hors pair que j’admire énormément et dont je me suis inspiré au début.
- D’accord, je l’ai jamais rencontré mais puisqu’il a l’air célèbre, on devrait le voir à la cérémonie.
- Justement, il fait partie des quatre parrains de la soirée. Mais le vrai problème c’est les trois autres. A eux trois, ils regroupent toute la colère et la jalousie créées au fur et à mesure des défilés.
- Laisse-les parler, tant qu’ils ne s’en prennent pas à toi, c’est juste de la jalousie parce qu’ils ne sont pas aussi bons que toi.
- Ils ne se sont pas arrêtés là, Thomas. Au début c’était juste des paroles blessantes, mais je savais que c’était juste leur jalousie qui parlait. Au bout d’un moment, j’ai commencé à prendre les meilleures places sur les défilés, les meilleurs contrats, etc. Et il y a trois ans, j’ai fini première ex-aequo avec l’entreprise Fabroni. Laissant loin derrière les autres. Sauf que, cette année-là, les trois autres ont commencé à s’en prendre physiquement à moi. Mais leur but n’était pas de m’empêcher de travailler, en me cassant les deux bras ou les jambes. Ils voulaient clairement abuser de moi, me détruire mentalement. Alors ils ont commencé par des gestes déplacés, de plus en plus régulièrement. En même temps, ils ont fait circuler des rumeurs désobligeantes sur moi. Je me suis vite retrouvée avec peu de gens de mon côté. La plupart des gens me tournait le dos. Je ne savais même pas quoi faire. Alors j’ai pris mes distances, je suis resté au siège de Los Angeles, en faisant ce que j’avais à faire. Jusqu’à la soirée de l’an dernier. Ils ont bien profité de la soirée, et à la fin ils m’ont bloqué tous les trois. Je n’ai jamais eu aussi peur de ma vie. Ils ont commencé à me toucher, sans limite. Et c’est à ce moment, que j’ai crié ton nom. Ils ont bien rigolé. « Comme s’il allait arriver pour sauver une pauvre fille comme toi », c’est la phrase qu’à sorti Alex Fabroni. Les trois autres ont sursauté de surprise. Et moi j’étais juste pétrifiée. Il m’a dit autre chose : « Tu as jusqu’à la soirée d’Osaka, dans un an jour pour jour. Si tu réussis à la faire venir à la soirée avec toi, je m’assurerai personnellement que personne ne te touche et de faire disparaître la moindre rumeur à ton sujet. D’ici là personne n’a le droit de faire quoi que ce soit, suis-je bien clair ? ». Les trois autres ont baissé la tête, marmonné quelques oui et sont partis. Alors, Alex Fabroni m’a tendu la main, m’a relevé et puis, sans dire un mot, est parti. Voilà pourquoi je veux absolument que tu sois là à Osaka. Sinon personne ne sera capable de les arrêter.
- Je suis désolé, de tout. De ne pas avoir remarqué que tu n’allais pas bien, de ne pas avoir pu te sauver et te protéger. Je serai à Osaka même si je dois y aller avec une jambe en moins.
- Merci, merci beaucoup, je n’en pouvais plus, je ne veux pas que ça recommence dit-elle en pleurant.
- Y.”
Tiffany lève la tête et me regarde.
“T.
- O.
- O.
- I.
- L. finit-elle.
- Je t’aime Tiff.
- Moi aussi Thomas.”
Je l’embrasse, la regarde dans les yeux et lui sourit. Elle ferme ses yeux et s’endort dans mes bras. Mais pour moi, impossible de dormir. Je m’en veux énormément de n’avoir rien remarqué et de l’avoir laissé souffrir toute seule. Je laisse Tiffany se reposer et j’appelle directement Mickaël.
“Thomas ? Qu’est-ce qui se passe ?
- J’ai besoin de toi, pour deux trucs, tu peux m‘aider ?
- Bien sûr, tu veux quoi ?
- Donne tous les trucs importants des deux prochaines semaines à la personne en qui tu as le plus confiance dans l’entreprise et annule le reste. Ensuite tu fais pareil avec ta semaine prochaine, tu pars pour Barcelone.
- Attends, je ne comprends pas, tu devais revenir dans deux jours, qu’est-ce qui se passe ?
- Avant de t’expliquer, note juste que tu me remplaces pour le séminaire de Barcelone, et qu’ensuite je te donne deux semaines de vacances que je te payerais, à Barcelone avec Alix.
- Ok, mais à ta voix je sais qu’il y a un truc beaucoup plus grave que le séminaire non ?
- Oui, j’ai laissé Tiffany vivre un enfer sans m’en rendre compte.
- Quoi ???? Qu’est-ce qui s’est passé ?
- Pendant des soirées et sans doute ses voyages, elle a subi du harcèlement sexuel de la part de plusieurs personnes importantes dans le monde de la mode.
- Qui ?
- Je ne sais pas exactement, mais je t’assure que je vais retrouver le moindre connard qui a osé la toucher.
- Tu veux que je me renseigne ?
- Non, je lui demanderai quand elle se réveillera. Je m’en occuperai personnellement quand on sera à Osaka.
- C’est pour sa soirée annuelle ?
- Oui, j’avais prévu de ne pas y aller puisque je devais me rendre au séminaire mais après avoir entendu ça, je suis obligé d’aller là-bas m’expliquer avec quelques personnes.
- T’inquiète pas je m’occupe de tout tes rendez-vous et des trucs important, et si tu ne t’expliques pas avec eux je m’en occuperai moi-même.
- Désolé de briser ta lune de miel.
- Sois pas désolé, Alix serait d’accord avec moi, on préfère la décaler plutôt que de voir Tiffany souffrir plus longtemps.
- Merci, je te revaudrai ça.
- Tu me payes déjà deux semaines à Barcelone, c’est déjà trop. Tu n’as pas besoin de nous devoir quelque chose, c’est pour ça qu’on est votre famille.
- Merci beaucoup. Tu préviens Alix ou tu veux que je le fasse ?
- Fais-le parce qu’elle ne pourra pas t’étriper au téléphone alors que moi je suis mort, si je dois lui dire.
- Ok, passe-la-moi alors.
- Ça marche, mais prends soin d’elle pour nous.
- T’inquiète pas je ne vais plus jamais la laisser toute seule.
- Parfait.
J’entends Mickaël appelé Alix au loin. J’attends qu’elle arrive en imaginant tout ce qui a pu arriver lors de ces soirées.
- Thomas c’est rare que tu nous appelles comme ça ?
- C’est un cas d’urgence.
- Explique-toi.
- Tiff a eu pas mal de problème avec des pontes du milieu de la mode. Il y en a certains qui sont allés jusqu’au harcèlement sexuel, voire plus.
- Lesquels ?
- Je ne sais pas encore, j’attends qu’elle se réveille pour lui en parler mais je vais avoir du mal à attendre.
- Je te comprends. Je m’occuperai de les briser moi-même si tu ne le fais pas.
- Tu devras te battre avec Mickaël, pour le deuxième round. Bref, je m’occupe de leur cas, mais j’ai besoin de Mickaël pour me remplacer le temps que je gère tout ça.
- Pas de soucis, j’ai compris à la tête de Micka que quelque chose n’allait pas et vu qu’il fait nos valises j’imagine qu’on part bientôt.
- Vous partez tout de suite, désolé. Il doit me remplacer dès demain.
- Ok, on repartira plus tard, c’est Tiffany d’abord.
- Micka t’expliquera mais ce n’est que partie remise.
- T’inquiète pas on peut s’en passer.
- Non, je tiens à ce que vous viviez votre mariage correctement aussi. Donc tu auras le droit à une vraie lune de miel.
- On verra ça plus tard. Va t’occuper d’elle.
- Ok, prends soin de Micka, il va tuer quelqu’un sinon. Et tu es la seule à pouvoir l’arrêter facilement.
- Bien sûr, je ne le laisserai pas étrangler les gens.
- Merci beaucoup, je vous tiens au courant.
- T’a intérêt. Salut.
- Salut. ”
Je raccroche, et je pose mon téléphone sur un meuble. Je rentre dans la chambre et me rallonge à côté de Tiffany. Je la regarde dormir et je me colle dans son cou. Ses bras viennent naturellement m’entourer, comme les nombreuses fois où ils l’ont fait. Puis c’est à mon tour de rejoindre les bras de Morphée. Je me réveille quelques heures plus tard, et je remarque que Tiffany n’est plus là. Je me lève instantanément et je sors de la chambre pour la chercher. Je regarde dans le salon et je la vois en train de regarder les photos les unes après les autres. Je m’approche d’elle et je la sers dans mes bras.
“Tu as bien dormi ? me demande-t-elle.
- Toi d’abord, comment tu te sens ?
- J’ai encore du mal à en parler et moralement c’est dur.
- Viens avec moi.
Je l’emmène sur le canapé. On s’assoit tous les deux. Je la regarde, et je vois qu’elle a toujours du mal à accepter tout ça.
- Tu peux me donner les noms des 3 personnes qui sont responsable de tout ça ?
- C’est, Joseph Ultiar, Adam Gaceo et Pedro Romario.
- Ok, je m’occuperai personnellement de ces trois-là.
- Mais comment tu vas faire, pour me défendre sans créer de rumeurs ?
- Je vais faire une grande annonce lors de la soirée, pour être sûr que le message passe bien. Il est temps d’apprendre au monde entier que tu es ma femme et que personne n’a le droit de te faire du mal.
- Tu es sûr de toi ? Pour quelqu’un qui ne fait jamais de sortie médiatique, ça va chambouler le monde.
- Je m’en fous du monde, je peux bien le faire exploser pour toi.
- Merci, mais tu as juste à venir à la soirée, je ne veux pas que tu prennes des risques inutiles.
- Ne t’inquiète pas, je ne prendrai aucun risque mais je vais bien faire comprendre au monde que s’en prendre à toi c’est s’en prendre à moi.
- Je te fais confiance, de toute façon tant que je suis avec toi, il ne m’arrivera rien.
- Maintenant on va préparer la soirée pour qu’on soit les plus beaux, ça te va ?”
Tiff se calme instantanément et j’aperçois des étoiles dans ses yeux. À chaque fois que l’on parle de vêtements on peut être sûr qu’elle dira oui, sauf si ce n’est pas à son goût. La voilà partie dans son atelier chercher son matériel et regarder ce qu’elle a en stock. Elle revient quelques minutes plus tard avec une liste du matériel qui lui manque pour faire ses tenues. Elle a déjà ses idées en tête et je sais que je peux lui faire confiance pour réaliser un truc incroyable. Moi j’organise rapidement tous les éléments dont je vais avoir besoin pour réaliser mon plan. Je note tout dans une liste que je garde dans un coin de ma tête. Je regarde Tiffany s’afférer à ses taches, elle me tend une liste. Je regarde le contenu de sa liste, et je vois plein d’éléments de couture plutôt rares.
“C’est ce dont tu as besoin ?
- Oui, je sais où on peut trouver tout ça, j’en ai plein dans mon bureau à Los Angeles.
- Ok, je sais qui peut te ramener tout ça. J’en profiterai pour lui demander de me prendre quelques trucs.
- Parfait, préviens-le de demander Joséphine de ma part, elle s’occupera de lui.
- C’est noté. Tu devrais avoir ça dans deux jours normalement. Il est déjà sur place.
- Ça me va, j’ai déjà de quoi commencer la préparation, le temps de faire quelques croquis pour organiser parfaitement tout ça.
- Vas-y, moi je passe quelques appels et je te dis après quand ça arrive.”
Elle ne m’écoute déjà plus. Elle est partie dans son monde, dessiner nos tenues avec son imagination et ses envies. Je dois appeler un ami qui est déjà sur Los Angeles et qui pourra revenir sans problème jusqu’à chez nous.
“Allô, que puis-je faire pour vous ?
- Il me faut quelques affaires que tu trouveras dans le bureau de Tiffany.
- Ok, tu m’envoies la liste et je m’en occupe.
- Parfait, adresse-toi à une certaine Joséphine, tu dois la connaître.
- Evidemment, je connais tout le monde, je bosse ici je te rappelle.
- Tu lui demandes de l’aide pour trouver toute la liste et tu me la ramène demain dernier délai à l’aéroport de Paris. J’envoie quelqu’un qui récupèrera les affaires.
- Demain ? C’est une des premières fois où tu me donnes un délai aussi court.
- C’est parce qu’il me les faut pour après-demain, je n’ai pas le choix.
- Ok, je suis au bureau donc je m’occupe de ça maintenant et je saute dans le premier avion.
- Je te prends un billet pour le premier vol pendant que tu cherches, je te donnerai l’horaire et le billet par message.
- Ok chef, je te laisse, on se tient au courant.
- Merci, à plus.”
Je raccroche, lui envoie tous les détails et réserve un billet pour le vol en direction de Paris qui est dans 4 heures. Tout cela fini, j’appelle une connaissance sur Paris qui pourrait faire le trajet jusqu’à chez nous. Puis tous les trajets réglés, je me pose et commence à écrire une trame de discours. Je me laisse porter par le temps, et le soleil descend petit à petit jusqu’à disparaître. Je n’ai écrit que le début du discours mais il me plaît enfin. Je me retourne, et je vois de la lumière dans l’atelier. Tiffany travaille encore, elle est à mon avis, plongée dans son monde et n’a même pas remarqué que le temps passait. Je me dirige vers elle pour qu’on puisse manger tous les deux. Je toque à son atelier et personne ne me répond. Pourtant elle n’a pas de musique, puisqu’elle ne met jamais de musique quand elle crée ses tenues. J’entre pour voir et je la retrouve allongée sur ses croquis. J’attrape une chaise, m’assoit à côté d’elle et regarde ses croquis. Plusieurs sont gribouillés, chiffonnés mais deux ressortent parfaitement, sans accroc. Je les prends, et regarde ce qu’ils donnent. Le premier c’est un dessin pour moi. Mes mesures sont notées dans un coin, et elle a dessiné, la tenue que je vais sans doute porter lors de la fête. C’est une tenue assez classique que je porte régulièrement pour travailler. Il y a une chemise noire, un veston et un pantalon noir également. Pour les chaussures, celles que je garde pour les grandes occasions ont l’air de suffire puisqu’elle les a dessinées. Mais il y a quelques détails qui mettent en valeur tout le costume comme ma montre dorée, sur le poignet gauche. Mais ce qui m’interpelle le plus, c’est le sigle dessiné en or sur le veston. Pour tout le monde, cela passera inaperçu, ou juste comme une référence à sa société. Mais pour nous, chaque lettre représente quelque chose, le M c’est pour Mickaël, le A pour Alix, il représente à la fois nos souvenirs et notre force. Le 2 et le T vont ensemble. Le 2 représente notre union et le jour de notre rencontre. Le T c’est pour nos identités.
J’attrape l’autre dessin et je suis bluffé par sa beauté. Elle a dessiné une robe à l’inverse de ma tenue. Sa tenue est dorée avec quelques touches de noir. Elle a le même sigle brodé en noir. Ces lettres sont au-dessus de son cœur, comme moi. Elle porte un bracelet noir à la place de la montre. Ses boucles d’oreilles sont noires. Et elle a dessiné un collier noir qui porte nos deux prénoms en doré. En associant les deux, on arrive à un résultat superbe. Je la regarde dormir tranquillement et je la porte pour l’emmener jusqu’au lit. Je la couche, et m’apprête à sortir quand elle m’attrape le bras.
“Thomas, tu ne viens pas dormir ?
- Tu sais bien que je n’ai pas besoin de beaucoup d’heures de sommeil pour être en forme. Repose-toi, je m’occupe du reste.
- Bonne nuit.
- Bonne nuit, Tiff.”
Je ferme la porte, et attrape mon téléphone. Plusieurs messages retiennent mon attention. Tout d’abord, mon ami de Los Angeles est arrivé à Paris avec tout ce qu’il me faut. Les affaires arriveront donc demain dans la journée. Le deuxième, c’est la confirmation d’un virement. Et le troisième c’est un message d’une société. Celui-là est le plus intéressant de tous. C’est la confirmation que mon plan est en place. J’entends un bruit étrange comme un sanglotement. Je cherche la source de ce bruit et elle vient de la chambre. J’ouvre la porte et vois Tiffany en larme, assise sur le bord du lit.
“Tiffany, qu’est-ce qui se passe ?”
Elle ne dit rien, comme si elle était plongée dans son cauchemar. Je m’assois à côté d’elle, la prend dans mes bras et lui laisse le temps de se réveiller totalement. Au bout d’un moment, elle sort de son cauchemar et me regarde. Elle m’embrasse les joues baignées de larmes.
“J’ai eu si peur. Tu avais disparu, et moi j’étais enfermé dans une cave, comme un jouet pour tous les hommes qui venaient.
- Tout va bien. Je suis là et je ne laisserai rien t’arriver.
- Tu peux rester avec moi s’il te plaît ?
- Ne t’inquiète pas, je serai près de toi quoi qu’il arrive.
- Tu peux être vraiment mignon quand tu veux.
- C’est seulement maintenant que tu t’en rends compte, dis-je en rigolant.
- Non mais d’habitude, j’utilise plutôt le terme romantique.
- Effectivement. Il reste 5 heures avant que la livraison arrive, tu ferais mieux de te reposer.
- Un jour, il faudra que tu m’expliques quand est-ce que tu dors.
- Je dors quand j’en ai besoin. Là par exemple j’ai déjà suffisamment dormi pour les deux prochains jours.
- Essaye quand même de dormir avec moi.
- Promis.”
On se couche côte à côte. La tête de Tiffany collé sur mon épaule. Je l’entoure de mes bras et elle s’endort doucement. Je me cale sur sa respiration lente, pour essayer de me détendre. Mais je n’arrête pas d’imaginer des dizaines de scénarios tous plus graves les uns que les autres, qui auraient pu arriver à Tiff. Je m’enfonce dans mes pensées noires. Puis, comme par télépathie, j’entends la voix de Tiffany dans ma tête. Au début, c’est seulement des bruits de fonds qui se font de plus en plus entendre jusqu’à être totalement audible. Le seul mot qu’elle prononce est « YTOOIL », les lettres lumineuses apparaissent comme opposées à la noirceur de mes pensées. Finalement, sa voix finit par remplacer toutes les pensées négatives. Elle ne se rend pas compte de ce qu’elle fait pour moi. Sans elle, mes nuits sont un enchaînement d’horreur. Mais dès qu’elle est là, tout va bien. Le soleil efface les ombres.
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